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Elections européennes : vers une révolution du système électoral


05 mai 2022

Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, les députés ont adopté une réforme historique du mode de scrutin des élections européennes pour rendre les institutions de l’UE plus démocratiques. À partir de 2024, les électeurs n’auraient plus un, mais deux bulletins à glisser dans l’urne. Explications.

Au terme d’un vote historique, mardi 3 mai, les applaudissements montent des travées du Parlement. Le rapporteur socialiste espagnol, Domènec Ruiz Devesa (S&D, sociaux-démocrates), semble ému. Et pour cause. La législation réformant le système électoral européen, pour lequel il a négocié pendant près de dix mois, vient d’être largement approuvée par les eurodéputés : 323 voix pour, 262 contre. « Nous l’avons fait tous ensemble, à 5 groupes », s’enthousiasme le député Devesa. Pour le rapporteur, les changements permettront de « cheminer vers une Europe plus proche de ses citoyens ».

Des listes transnationales

La proposition du Parlement doit permettre de créer une circonscription paneuropéenne, composée de 28 sièges supplémentaires. Concrètement, en France, le scrutin se déroulerait de la manière suivante : comme d’habitude, un bulletin servira pour le choix d’une liste nationale (par exemple la liste Europe Ecologie Les Verts). Mais les électeurs auront désormais un second bulletin à disposition. Celui-ci permettra de voter pour une liste transeuropéenne de leur choix, avec des candidats issus de tous les États membres et partageant des convictions politiques communes (par exemple la liste du parti Vert européen avec un chef de file qui pourrait très bien être allemand ou portugais).

Ces listes garantiront une représentation géographique équilibrée, et proportionnelle à la taille des Etats membres. Elles devront être paritaires, et proposées par des entités électorales européennes telles que des coalitions de partis nationaux, européens ou des associations d’électeurs. La perspective de voir des listes d’eurodéputés faire campagne dans toute l’UE ne fait pas l’unanimité au sein du Parti populaire européen (PPE, droite), majoritaire au Parlement. « Cette circonscription unique ne servirait qu’à créer des bataillons de députés hors-sol, déconnectés des réalités du terrain », critique Brice Hortefeux, l’un des députés du groupe.

Renforcer la citoyenneté

Cette volonté de réformer la loi électorale de l’Union s’est accompagnée d’un travail de longue haleine. Le système de suffrage actuel date de 1976, et les voix s’élevant en faveur d’une Europe plus démocratique sont de plus en plus pressantes. « Nous avons une grande chance d’écrire l’histoire européenne. Durant la Conférence sur l’avenir de l’Europe, les citoyens nous ont donné un mandat clair, ils veulent que le droit électoral soit modifié », soutient la socialiste allemande Gabriele Bischoff (S&D, sociaux-démocrates).

Ainsi, les parlementaires souhaitent aussi renforcer la citoyenneté au sein de l’UE et harmoniser le suffrage dans les différents Etats membres : l’instauration du 9 mai comme

Les électeurs européens pourraient avoir un deuxième bulletin de vote pour les élections européennes de 2024. © Khélian Yousfi

jour de scrutin commun ; le droit de vote à 16 ans ; l’éligibilité à 18 ans ; l’égalité d’accès pour les personnes atteintes de handicap ; l’instauration d’une autorité électorale européenne… 

Une réforme dès 2024 ?

L’enjeu réside désormais dans l’applicabilité de la réforme. La France, par exemple, doit ratifier le texte au moins un an avant la tenue de l’élection. « Le calendrier est difficile à tenir », concède Domènec Ruiz Devesa. L’application de la réforme, souhaitée pour les élections européennes de 2024 par le rapporteur, pourrait être compromise. Le vote de ce mardi ne constitue qu’un « premier acte », rappelait la députée française Nora Mebarek (S&D, sociaux-démocrates). Les ministres de l’UE doivent maintenant s’accorder unanimement sur le texte d’ici 2023 pour qu’il s’applique au prochain scrutin. Le rapporteur espère une adoption avant la fin de la présidence tchèque de l’UE, en décembre 2022.

Martin Hortin et Khélian Yousfi

La présidence de la Commission bientôt élue au suffrage direct ?

« Le candidat qui doit avoir la première opportunité de former un exécutif, c’est le chef de file de la liste paneuropéenne arrivée première. C’est un principe politique », argumente Domènec Ruiz Devesa. Cette ambition n’est pas clairement inscrite dans la proposition de règlement, mais si elle aboutit, le second bulletin des citoyens européens prendra une importance capitale. Il leur permettra de choisir leur candidat favori pour prendre la tête de la Commission, parmi les leaders des différentes listes transnationales. Les parlementaires estiment qu’il est possible de renforcer cette idée « par un accord interinstitutionnel entre le Parlement et le Conseil européen ».

Si, en 2014, le Conseil européen avait attribué la présidence de la Commission au leader du groupe majoritaire du Parlement, expérimentant le système du « spitzenkandidat » (candidat tête de liste), cinq ans plus tard, les dirigeants européens ont assumé de ne pas respecter ce mode de fonctionnement. Le choix d’Ursula von der Leyen, au détriment du président du PPE Manfred Weber, avait fait polémique.

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