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Au tribunal correctionnel de Strasbourg, les audiences de comparutions immédiates suivent des procédures bien établies. Ce jeudi 12 mars, il a parfois fallu les expliquer aux prévenus.

"C’est au tribunal que vous vous adressez sinon je fais sortir la famille", prévient le président du tribunal de Strasbourg, Bertrand Gautier. Le ton est donné. Quelques minutes après son arrivée dans le box vitré, encadré de deux officiers de police, Istvan R. est rappelé à l’ordre. Alors que le magistrat vérifie son identité, le trentenaire hongrois se tourne vers ses proches pour obtenir son adresse de domiciliation. La traductrice, présente à ses côtés, n’a pas le temps de traduire ses propos que le président rappelle déjà le règlement. Toute communication avec le public est interdite, afin d’éviter d’éventuelles concertations ou pressions.

Sur les bancs, les chuchotements continuent. L’huissier s’approche de la famille et l’avertit : "Dernière fois ou dehors !" Les proches du prévenu acquiescent de la tête et se concentrent à nouveau sur les débats. Le citoyen qui assiste à une audience, lui non plus, n’a pas le droit de discuter. Ni de manger, de boire ou d’utiliser son téléphone portable comme l’indique une affiche à l’entrée de la salle d’audience. Ces règles visent à garantir le respect et la sérénité des débats ainsi que l’interdiction d’enregistrer ou de photographier au sein d’un tribunal.

Le calme revenu, le président résume les faits commis le 10 mars, à Schiltigheim : conduite en état d’alcoolémie et sans permis, vol de 100 litres de gazole sur des camions ainsi que refus d’obtempérer. Istvan R. est aussi accusé d’avoir démarré son véhicule en direction des policiers. Par l’intermédiaire de son interprète, l’homme au pull rayé tente de se justifier et mime certaines actions. Il explique qu’il n’a pas pu identifier les policiers puisqu’ils étaient en civil et qu’il n’a pas entendu les sirènes du véhicule. "Je n’ai pas entendu, les vitres étaient fermées", répète-t-il, tout en levant les mains en signe d’innocence. "Pas la peine de le dire deux fois, vous répondez aux questions une fois et ça suffira", l’interrompt le président.

Istvan R. écope de 12 mois de prison avec maintien en détention et 500 euros de dommages et intérêts à verser à chacun des deux fonctionnaires de police.

Fabrice N., placé sous contrôle judiciaire, est assis dans la salle. À l’appel de son nom, il se lève et se présente face aux trois magistrats. Le Strasbourgeois est jugé pour divers problèmes survenus au sein de son immeuble. Le bailleur lui reproche d’avoir commis des dégradations sur la porte de son logement. "Il n’y a pourtant aucune preuve de dégradation, pas de photos, ni de devis ou de factures", s’étonne l’avocate du prévenu, qui justifie les faits par une suite d’événements. En décembre 2019, les pompiers ont dû intervenir pour une casserole laissée sur le feu. Un mois plus tard, de retour après une hospitalisation, Fabrice N. assure avoir dû dévisser la porte afin de pouvoir rentrer chez lui. "Je suis du bâtiment donc j’ai fait ça proprement, en bonne et due forme", précise-t-il.

"Pourquoi ils ne sont pas là les plaignants ?"

Le prévenu reconnait en revanche avoir dégradé le véhicule d’un habitant de l’immeuble. "C’est moi qui ai cassé la vitre, pour montrer qu’il m’impressionne pas. Mais je vais lui rembourser", s’engage-t-il. Ses relations avec le voisinage ont continué à se détériorer. En janvier 2020, il aurait proféré des menaces de mort. "C’est que des mensonges, c‘est le contraire !", proteste l’homme de 46 ans.

Soudain, le magistrat suspend la lecture du dossier pour le réprimander : "Ne vous accoudez pas". À la barre, le quadragénaire à la chemise blanche et au pantalon gris se redresse instantanément. Alors que la série de questions-réponses avec le président s’achève, le prévenu s’étonne de l’absence de partie civile. Il se tourne sur sa gauche et demande à son avocate : "Pourquoi ils ne sont pas là les plaignants ?". "Ils ne sont pas obligés", lui murmure-t-elle.

Reconnu coupable mais relaxé pour les dégradations, Fabrice N. est condamné à 12 mois avec sursis, 2 ans de mise à l’épreuve et une obligation de soins. Il lui est également interdit de revenir sur les lieux, il devra déménager.

Lucie Caillieret

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