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L'Association musicale et culturelle de Cronenbourg, qui gère l'école de musique, et l'association Ballade, proposent des cours de pratique instrumentale dans le quartier. Les directrices respectives des deux associations, Ljuba Preslavsky et Perrette Ourisson, évoquent leurs visions distinctes et complémentaires de la musique.

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Ljuba Preslavski, directrice de l'école de musique de Cronenbourg. 

© Léa Giraudeau

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Perette Ourisson, présidente de l'association Ballade, travaille de pair avec son conjoint Jean-Claude Chocjan. © Léa Giraudeau 

Ecole de musique de Cronenbourg :

Depuis quand ? C’est une des plus anciennes écoles de musique de Strasbourg, elle a fêté ses 50 ans en 2017.

Quoi ? Elle propose plusieurs types de cours individuels et collectifs et une dizaine d’instruments différents. 

Quel genre musical ? De tout ! De la pop, du rock, du jazz, du classique, de la variété. 

Où ça ? A l’école primaire Camille Hirtz, 3 rue des Renards.

Combien d’élèves ? 380 élèves, de la deuxième section de maternelle jusqu'à 99 ans, encadrés par 15 professeurs.

Combien ça coûte ? 140 euros par trimestre pour des cours en groupe et 175 euros pour des cours individuels. Possibilité d’aide par la ville de Strasbourg (sous réserve de quotient familial inférieur à 750 euros). 

La petite anecdote : L’école propose l’enseignement de la cornemuse. En kilt s’il vous plaît ! L'école accueille aussi un jeune prodige : Evan, 14 ans, qui a gagné le prix de l'Académie de musique française, après seulement trois années de piano.

Comment envisagez-vous les cours que vous proposez ? Suivez-vous une technique particulière ?

Ljuba Preslavski : On propose une heure de formation musicale. C'est très ludique, il y en a qui râlent, parce que ça ne l'est pas encore assez. C’est vrai que ça reste de la théorie. Et une demi-heure de pratique, en tête-à-tête avec un professeur.

Perrette Ourisson : Nous, c’est tous les vendredis. On a quatre ateliers : guitare, violon, percussions et chant. Tout le monde peut venir, c’est gratuit pour ceux qui n’ont pas d’argent, on fait payer ceux qui en ont un peu plus, une dizaine d’euros par an. Les enfants apprennent les notes, c’est important, ils ont un acquis, ils savent ce qu’ils jouent. La plupart des gens lisent des points, pas les notes.

Quel serait l’adjectif qui décrirait le mieux votre structure ?

P.O. : Inclusif. J’aimerais dire “hors normes” [en référence au film d’Olivier Nakache et Éric Toledano, NDLR]. On s’occupe d’enfants mais on s’en occupe avec des intervenants qui sont aussi un peu une bande de branquignoles (rires). On fait venir chaque année quatre volontaires européens, on a fait venir une gamine d’Espagne qui était à la rue les six derniers mois, en rupture familiale, scolaire. Là aussi on prend quelqu’un à qui ça peut apporter quelque chose. Nassim, la seule chance dans sa vie, c’est de continuer avec nous. Il est resté en rééducation pendant deux ans, son père lui avait appris les percussions orientales et c’est tout ce qu’il sait faire dans la vie. Avec les heures de cours ici et les concerts que l’on fait, il a pu avoir un statut d’intervenant, il a un revenu fixe, un CDI, plus de stabilité.

L.P. : On s'éclate. C'est déjà pas mal. Vous voyez, là [on entend l’orchestre de cuivre qui commence à s’échauffer, NDLR], ils jouent n'importe quoi mais ils s’éclatent quand même. Il y a une sorte de partage et d'amour partout ici.

Racontez-nous un projet qui vous a rendu fier.

P.O. : Quand ils ont implanté l’espace Joséphine-Baker qui accueille des Roms, principalement de Hongrie, il y avait une quarantaine d’enfants, on les a fait venir à deux fêtes avec les autres. Il y avait un petit Rom qui jouait une mélodie turque à l’accordéon, une dame est venue me voir en me disant « il est génial le petit Rom qui parle turc ! » C’est comme un langage du coup.

L.P. : Avec l’orchestre d'harmonie, on a fait des trucs incroyables. On a fait le Zénith il y a deux ans, avec les 25 ans de l'école d'Oberhausbergen. Ils nous avaient invités, on avait fait le Boléro de Ravel avec eux.

Association Ballade :

Depuis quand ? Elle a été créée en 2001 par Jean-Claude Chojcan et Perrette Ourisson. 

Quoi ? Elle organise des ateliers de musique à l’oreille en se basant sur une pratique instrumentale collective.

Quel genre musical ? Des musiques traditionnelles européennes, de l’Irlande à la Turquie en passant par les Balkans et la musique manouche.

Où ça ? Au CSC et dans les lieux de vie du quartier prioritaire de la ville, des aires des gens du voyage, des espaces d’accueil des familles roms, ainsi qu'au Conservatoire de Strasbourg. 

Combien d’élèves ? L’association regroupe 90 inscrits, à partir de 7 ans environ, accueillis par quatre Services volontaires européens et neuf professeurs salariés.

Combien ça coûte ? Les cours sont gratuits pour les deux tiers des adhérents. Les autres paient 10 euros par an. 

La petite anecdote : Depuis 2006, elle organise des échanges jeunes internationaux où se rencontrent des musiciens de différents pays comme la France, la Bosnie ou la Croatie. 

Quels sont vos projets pour  l’avenir ?

L.P. : Rester comme on est.

P.O. : Oui ! Mais on a des projets. Ballade prévoit pour septembre 2020 des résidences territoriales, des ateliers, des interventions qui soient un peu mieux ciblées vers des publics différents. Là, on va vraiment toucher tout le quartier en partant de la maison de la petite enfance, la papothèque pour les 2-6 ans, l’Association générale des familles qui organise des événements pour les 6-12 ans, puis les écoles et les collèges.

L.P. : On a une idée, c'est que toutes les six semaines, on fait un cours en groupe. Pendant deux heures, tous ensemble, tous les niveaux, tous les âges. Ça sonnera pas forcément mais c'est rigolo. C'est ça le but du jeu au final, qu'ils jouent ensemble.

Où jouez-vous quand vous faites des concerts ?

L.P. : On essaye de faire un maximum de concerts, de kermesses, d’aider les écoles du coin à faire du bruit. Quand le CSC nous demande, on joue pour eux, comme pour la fête de quartier ou la rentrée à Cronenbourg, on veut faire trembler le quartier. Il y avait une semaine bleue [du 4 au 11 Novembre dernier, NDLR], c'est la semaine du troisième âge, ils ont fait une promenade dans Cronenbourg. Qui est-ce qui était devant ? Notre pipe band ! Ils ont marché au son des cornemuses.

P.O. : On joue où on nous demande. On a déjà joué plusieurs fois au Parlement européen. On va jouer avec tout le monde, parfois avec des enfants d’ici quand on peut. On joue du par cœur, des musiques irlandaises jusqu’à des musiques turques.

L.P. : On a une espèce de pacte avec la maison de retraite juste à côté, un dimanche par mois, il y a un groupe qui débarque là-bas. Les papis et les mamies sont contents, ils chantent avec eux et puis ça fait de l’interaction intergénérationnelle. C'est ce qu’il faut.

Quelle richesse la musique peut-elle apporter dans le quartier ?

P.O. : Ça leur apporte une immense confiance en eux ! Ces instruments, c’est un peu leurs boucliers, ça leur permet d’oublier leurs situations difficiles. Ça leur apporte aussi des relations entre eux. Ici, il n’y a pas de nationalité, pas de langue. On veut leur faire faire des choses ensemble, que les Albanais chantent des chansons ukrainiennes.

L.P. : Cronenbourg et la musique, oui, c'est une belle histoire. Je crois que les parents sont en demande pour ouvrir des classes pour les petits. J'ai même des parents qui m'ont demandé pour leur enfant de neuf mois ! Ça fait fonctionner la relation entre les gens car ils sont obligés de jouer ensemble, de se croiser, d’organiser des choses.

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L'association Ballade à vocation à faire connaître différentes cultures à travers la musique. © Léa Giraudeau 

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© Claire Birague

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L'école de musique de Cronenbourg propose une formation théorique, sans négliger la pratique. © Léa Giraudeau  

Vous êtes toutes deux cronenbourgeoises, comment avez-vous vécu les évolutions de votre quartier ?

P.O. : C’est un bon quartier, auquel les gens sont attachés, il y a beaucoup d’associations qui travaillent, beaucoup de bonnes volontés.

L.P. : Dans un petit truc comme Cronenbourg, se retrouver avec 380 élèves et dire “j’ai plus de places”, c’est quand même pas mal. Mais le quartier s’est appauvri, je vois de plus en plus de gens avec des fins de mois difficiles.

P.O. : Le problème du quartier, c’est que, quand il a été construit, on a voulu des appartements clairs, pleins de lumière, mais ils n’avaient pas pensé qu’il fallait des structures au milieu du quartier, donc tout se retrouve en périphérie.

Qu’aimeriez-vous voir s’implanter à Cronenbourg ?

P.O. : Il faudrait un centre social digne de ce nom, moderne et surtout central. Aujourd’hui il est trop loin, il y en a pour qui ça fait une trotte.

L.P. : Le CSC commence à vieillir, et on n’a pas le droit d’aller au gymnase de la Rotonde à cause du sol qu’il ne faut pas abîmer. Il faudrait une grande salle de spectacle, avec plein de salles autour dans lesquelles on peut répéter et faire des concerts.

De quoi rêvez-vous pour votre école ?

L.P. : La musique gratuite, pour tous. Et des profs bien payés.

P.O. : Mon rêve, c’est que ça continue, que ça se développe, qu’on arrive à toucher une population plus large. Là, si on voit qu’on a 80 enfants sur les 27 000 personnes du quartier, on se dit que c’est rien.

Propos recueillis par Léa Giraudeau et Guillaume Carlin

Le chœur de Saint-Sauveur

Vous savez, ma première chorale, j’avais 8 ans”, sourit Jean-Paul Gendner, 73 ans. Cet ingénieur de recherche à la retraite n’est pas ce qu’on pourrait appeler un novice à la chorale Cantallia, bien qu’il ne soit arrivé “qu’en” 2004.

Cette chorale, née en 1997 de la fusion de l’ensemble vocal de la paroisse protestante de Koenigshoffen et de la chorale paroissiale de Cronenbourg, réunit tous les mardis soirs à l'église Saint-Sauveur ses 45 choristes, dont une majorité de Cronenbourgeois. Certains sont là depuis le début comme Doris Machejek, 72 ans, dont 22 à Cantallia. La chorale a su fidéliser ses membres et en attirer de nouveaux, à l’image de Chantal Foesser, petite nouvelle de 65 ans.

La chorale alterne entre sacré et profane, en français et en anglais. Forçant parfois le chef de chœur, Clément Charlon, élève au Conservatoire de Strasbourg, à faire travailler la prononciation. Si l’atmosphère est chaleureuse, elle n’en est pas moins sérieuse, surtout à l’approche des représentations de Noël. C’est d’ailleurs cette ambiance studieuse et détendue qui plaît aux choristes, ainsi que le partage d’un intérêt commun et la présence de jeunes chefs en formation très investis. Les chanteurs ont leur recette pour amadouer les profs. “Je repars avec des confitures toutes les semaines”, avoue le jeune enseignant avec un sourire.

Léa Giraudeau

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La chorale Cantallia rassemble 45 seniors tous les mardis soir à l'église Saint-Sauveur. © Léa Giraudeau

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