"Monsieur, vous avez déjà 31 mentions sur votre casier judiciaire." La liste est si longue depuis la première condamnation de Franck en 1993, que le tribunal n’énumère que les plus récentes : vol avec violence, vol dans un local d’habitation, détention et usage de stupéfiants, encore un vol… La dernière date de 2019. Franck est accusé d’avoir récidivé deux fois le 21 août et le 15 septembre 2020 à Mundolsheim : tentative de vol d’une tirelire dans un bureau de tabac et tentative de vol dans la maison d’une femme âgée de 82 ans.
"Monsieur, monsieur, il était dans ma chambre, aidez-moi"
Ce 15 septembre dans la petite ville au nord de Strasbourg, une vieille dame est étonnée de voir sa porte d’entrée ouverte. Christiane H. dit avoir surpris le quadragénaire dans sa chambre. Peu de temps après, un voisin la trouve alors dans la rue, en état de choc selon le procureur. "Monsieur, monsieur, il était dans ma chambre, aidez-moi", appelle à l’aide Christiane, désignant Franck alors sorti de la maison. Le voisin décide d’intervenir. Le prévenu se serait alors confondu en excuses, pleurant, avant de poursuivre son chemin. Le voisin le suit en appelant les gendarmes.
Y-a-t-il eu vol ? "Je voulais juste demander mon chemin. Je m’étais trompé de bus et je voulais rejoindre la rue principale pour aller à Emmaüs." L’octogénaire assure de son côté : "Je suis tombée nez à nez avec un homme dans ma chambre qui m’a demandé où se trouvait la rue des Lilas".
Une réinsertion obscurcie
Pour le procureur, qui requiert six mois de prison ferme avec maintien en détention, il n’y a pas de doute : "Monsieur était alcoolisé, il ne nie pas mais dit qu’il ne s’en souvient pas. Il a des problèmes d’argent et a été interrompu dans sa tentative de vol". C’est un coup dur pour Franck, qui se prend la tête dans les mains. Un CDD en poche au sein d'une boutique de réparation de vélo, ce récidiviste semblait pourtant sur la voie de la réinsertion. Malgré 800 euros par mois, il affirme "pouvoir s’en sortir". "Il a réussi à avoir un travail et satisfaire son employeur", renchérit son avocate. Et d’ajouter : "Pourquoi ne pas voir le dossier sous un autre prisme ?" Pour elle, les faits sont là : aucun objet déplacé ou dérobé, aucun tiroir ouvert. Elle demande au tribunal de ne pas caractériser les faits comme une tentative de vol et de ne pas les qualifier à partir d’éléments subjectifs. Elle plaide la relaxe.
Dans le box des prévenus, l’homme aux cheveux grisonnants plaqués en arrière se défend comme il peut. "Si j’avais voulu voler quelque chose, je serais parti en courant, là je suis parti en marchant normalement." Le ton suppliant, il assure vouloir donner un autre sens à sa vie depuis la récente mort de son père due à la Covid-19. "Je suis conscient de ce qu’il peut m’arriver si je fais n’importe quoi d’autre." Cela ne suffit pas pour convaincre le juge de son innocence. Il se voit contraint de payer 400 euros de dommages et intérêts pour préjudice morale à la vieille dame et 50 euros au buraliste. Et écope surtout d’une peine de prison de 4 mois ferme avant d’être renvoyé dans sa cellule, tête basse.
Claire Birague
Un quadragénaire comparaissait ce jeudi 17 septembre au tribunal judiciaire de Strasbourg pour tentative de vol. Une ligne de plus dans un casier judiciaire bien rempli.
« Ce qu’on recherche, c’est le lien au terroir. Chaque vin est un accord entre des saveurs et des textures, qui viennent des spécificités du sol où les raisins ont poussé. » Dans le village de Wolxheim, six équilibres de faune et flore distincts permettent au vigneron de mettre en bouteille environ 25 vins différents par an. Riesling, pinot gris, gewurztraminer, sylvaner, crémant ou pinot noir, Bruno Schloegel jongle entre les cépages. En bon Alsacien, il produit principalement du vin blanc, les deux tiers de ses bouteilles.
Sa façon de cultiver lui permet aussi de limiter ses passages en tracteur à trois ou quatre par an, contre une trentaine pour les viticulteurs traditionnels. Une économie de temps et de carburant. Alors pourquoi tous les vignerons n’adoptent pas la méthode de Bruno Schloegel ? « Parce qu’on a un rendement trois à quatre fois inférieur », répond t-il, un sourire au coin des lèvres. Et parce qu’il faut aussi du courage pour se lancer dans cette culture innovante. Il est le seul dans le village à travailler de cette façon. Et si avec le temps les gens du village « ont pigé », il doit se battre pour garder ses appellations. « On me reproche de faire du vin différent, qui ne respecte pas le cahier des charges établi par les vignerons. Mes vignes poussent ici, je ne rajoute rien dans mes vins, alors je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de dire que c’est un vin d’Alsace ! », s’emporte le sexagénaire.
Singularités vigneronnes
C’est qu’il applique le « laisser faire » jusque dans ses caves, ce qui ne correspond pas aux méthodes traditionnelles. Son vin n’est ni filtré ni sulfité et fermente naturellement dans les cuves et tonneaux. « Ca donne des vins très particuliers, souvent peu sucrés et avec des arômes poivrés et épicés. Mais dès qu’on a des pratiques différentes, ça brusque les gens », regrette Bruno Schloegel. Il faut dire que la fabrication de vin Alsacien est très surveillée. Si le produit fini ne correspond pas aux critères de goûts et de couleurs censés définir tel ou tel type de vin, celui-ci ne pourra pas être catalogué comme « vin d’Alsace » mais deviendra un « vin de France ». Une étiquette qui sonne comme un échec pour la plupart des vignerons, et particulièrement pour Bruno Schloegel qui a choisi de cultiver toutes ses vignes à Wolxheim par amour pour son village natal.
D’un autre côté, les singularités du vin Bruno Schloegel lui valent également une reconnaissance internationale. Il travaille régulièrement avec des clients japonais et chinois. De quoi faire grimper son empreinte carbone, après toute une vie à tenter de la réduire au minimum.