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La vie en rose des fleuristes à la Saint-Valentin

17 février 2021

La vie en rose des fleuristes à la Saint-Valentin

Les boutiques strasbourgeoises ont enregistré des ventes records pour fêter les amoureux. Les chiffres, encourageants, ne masquent pas pour autant les difficultés ...

Le grand bâtiment résonne. Dans le Patio, au campus de l’Esplanade à Strasbourg, cela fait des mois que le brouhaha des discussions estudiantines ne s’est pas fait entendre. Mardi 16 février, à l’heure de la pause déjeuner, quelques étudiants occupent les bancs du hall pour prendre leur repas. Depuis le début du mois, certains ont désormais une raison pour venir à la fac : ceux qui le souhaitent peuvent assister aux cours en présentiel une fois par semaine. Promesse du président de la République formulée le 21 janvier.

Première année "chaotique"

Joy et Camille se sont rencontrées en début d’année, "à l’époque où on avait tous les cours en présentiel". En première année de LLCER anglais (Langues, littératures et civilisations étrangères et régionales), la découverte de la vie étudiante en temps de Covid-19 a été chaotique. "C’est déstabilisant, on est un peu perdues", confesse Joy. Les deux jeunes femmes n’étaient pas revenues en cours depuis le mois d’octobre. "C’est un moyen de retrouver un peu de normalité", estime l'étudiante ."Ça fait du bien au moral, confirme son amie, à la maison il n’y a pas cette ambiance de travail."

Toujours logée chez ses parents, Camille passe plus d’une heure et demie par jour dans les transports pour venir étudier. Si elle salue l’effort du gouvernement, la reprise des cours lui impose une logistique contraignante. "Aujourd’hui par exemple, j’ai cours de 13h à 15h en TD, donc je suis venue. Mais de 15h à 17h, j’ai une visio. Du coup, je dois trouver un endroit calme dans la fac pour suivre", explique-t-elle. 

Les situations sont hétérogènes en fonction des filières. Jean-Sébastien, étudiant en sciences sociales, a lui repris certains cours magistraux en présentiel : "Ça permet de s’intéresser plus au cours, chez moi c’est quasi impossible de tenir, au bout d’un moment, je décroche."

Tractage compliqué

Malgré cette jauge, les couloirs du Patio sont déserts. L'entrebâillement d’une porte laisse parfois apercevoir une salle de classe dans laquelle des élèves masqués sont assis, une chaise sur deux. Il faut aller dehors pour observer un semblant de vie. En cette période d’élections universitaires, des militants se toisent et distribuent des tracts aux quelques âmes présentes. “C’est désert”, témoigne Pierre, de l’UNI (syndicat étudiant de droite). A quelques mètres de là, c’est bien le seul constat partagé par Tom, militant pour l’Unef et adversaire du jour  : "Normalement lors des élections, il y a des étudiants partout, là on doit aller les chercher un par un." Le vote a lieu en ligne, du 15 au 17 février. 

Manque de contacts

Quelques grappes d’étudiants peuplent les tables du campus. Deux étudiantes italiennes fument une cigarette sur un banc. Arrivées en septembre, Rosilda et Frederica avaient imaginé leur année à l’étranger autrement. "On s'attendait à découvrir la France dans tous ces aspects, mais on la regarde surtout de la fenêtre de notre chambre", regrette Rosilda, dans un français parfait. L'étudiante a prévu de retourner en cours en fin de semaine, pour la première fois depuis octobre. "J’ai hâte, à distance, on n’entend pas bien, que ça soit le prof ou les interventions des élèves, c’est dur de suivre !"

Retrouver une vie sociale, c’est ce qui manque le plus à Paul : "On a goûté à la vie étudiante en début d’année, et d’un coup ça s’est arrêté, se remémore l’étudiant en première année de Staps, j’avais commencé à me faire des amis, mais depuis le deuxième confinement je n’ai plus aucun contact." Dans sa filière, seuls les cours de sport se font en présentiel. 

Le redoux des températures en Alsace a fait fondre la neige sur les allées du campus. Les espoirs d’un retour imminent à la normale se sont aussi évaporés pour Paul. "Les profs nous ont déjà annoncé que l’ensemble des examens du second semestre se ferait à distance", souffle-t-il, résigné.

David Darloy

 

 

[ Plein écran ]

“C’est la fête la plus importante avec la fête des mères”, assure Bérénice, vendeuse à la boutique Le Bouquet avenue de la Forêt-Noire. © Clément Aubry

 

 Les fleuristes peuvent souffler. "Quoi qu’il arrive, on a passé la Saint-Valentin", sourit Bérénice, vendeuse à la boutique Le Bouquet. La date du 14 février est un moment charnière pour l’ensemble du secteur. “C’est la plus grosse fête avec la fête des mères”, estime la jeune femme. D’après une étude réalisée en 2020 pour Val’hor (l’interprofession de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage), 1,4 million de foyers avaient effectué une dépense à l’occasion de la fête des amoureux, pour une dépense totale de 37 millions d’euros. Un an plus tard, le chiffre pourrait même avoir augmenté.

"Plus de ventes que d’habitude"

La possibilité d’un reconfinement a longtemps hanté les fleuristes, malgré la possibilité du click-and-collect. Mais les fleurs étant un produit périssable, l’approvisionnement, quelque peu perturbé par le froid et la neige des derniers jours, s’est fait dans les derniers instants. "Jusqu’au dernier moment ça a été compliqué, on ne savait pas trop quelle quantité commander", rembobine Bérénice. Certains ont fait un autre pari, au risque d’un reconfinement de dernière minute. "On a joué le tout pour le temps en faisant toutes nos commandes à l’avance", raconte Pascale, gérante de la boutique Vert Clair.  

Les ventes de roses rouge et autres bouquets personnalisés ont donné du baume au cœur aux fleuristes strasbourgeois. "On a travaillé comme des bêtes mais on a fait un super bilan", juge Laura* à la boutique Acanthe Fleur & Décoration. Un constat partagé par les autres professionnels du secteur. "On a fait beaucoup plus de ventes, les budgets étaient plus importants et les gens plus heureux que d’habitude", assure Pascale, pour qui la Saint-Valentin représente 10% du chiffre d’affaires. Certains craignaient, à tort, des moins bons chiffres, la fête tombant un dimanche. "Les ventes se sont étalées sur trois jours, depuis jeudi soir", explique Bérénice.

Une embellie trompeuse

L’embellie des ventes auprès des particuliers peut s’expliquer, en partie, par la fermeture des restaurants et des bars. "Les gens ont besoin de ça, de faire plaisir", pense Bérénice. Mais cette hausse ne masque pas le fait que tout n’est pas rose pour les fleuristes. Les ventes auprès des restaurants, des hôtels, des acteurs de l’événementiel ont presque totalement disparu en raison du contexte sanitaire. "On est loin d’avoir compensé ces pertes", souffle Pascale.

Pour d’autres, c’est plutôt la hausse continue des prix de la fleur qui inquiète. Le froid, la hausse des coûts du transport et d’approvisionnement auprès des grossistes impactent les prix. "Je n’émarge pas autant que les autres mais j’ai presque honte de vendre une rose rouge 5,5 euros", regrette Laura.

Les inquiétudes des fleuristes ne se sont pas évanouies. Un septième de la profession, soit 2 000 fleuristes ont fait faillite depuis le début de la crise sanitaire d’après une étude de Val’hor publiée en septembre. "La fleur devient un luxe ", craint Laura. Un luxe qui n’a pas empêché de renouer, l’espace d’un instant, avec un semblant de normalité.

 *Le nom a été modifié.

Clément Aubry

Depuis le début du mois de février, les étudiants peuvent retourner en cours à l'université un jour sur cinq. Malgré ce semblant de retour à la normale, le moral des élèves strasbourgeois reste en berne.

Les fleuristes peuvent souffler. "Quoi qu’il arrive, on a passé la Saint-Valentin", sourit Bérénice, vendeuse à la boutique Le Bouquet. La date du 14 février est un moment charnière pour l’ensemble du secteur. “C’est la plus grosse fête avec la fête des mères”, estime la jeune femme.  D’après une étude réalisée en 2020 pour Val’hor (l’interprofession de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage), 1,4 million de foyers avaient effectué une dépense à l’occasion de la fête des amoureux, pour une dépense totale de 37 millions d’euros. Un an plus tard, le chiffre a-t-il augmenté ?

"Plus de ventes que d’habitude"

La possibilité d’un reconfinement a longtemps hanté les fleuristes, malgré la possibilité du click-and-collect. Mais les fleurs étant un produit périssable, l’approvisionnement, quelque peu perturbé par le froid et la neige des derniers jours, s’est fait dans les derniers instants. "Jusqu’au dernier moment ça a été compliqué, on ne savait pas trop quelle quantité commander", rembobine Bérénice. Certains ont fait un autre pari, au risque d’un reconfinement de dernière minute. "On a joué le tout pour le temps en faisant toutes nos commandes à l’avance", raconte Pascale, gérante de la boutique Vert Clair.  

Les ventes de roses rouge et autres bouquets personnalisés ont donné du baume au cœur aux fleuristes strasbourgeois. "On a travaillé comme des bêtes mais on a fait un super bilan", juge Laura* à la boutique Acanthe Fleur & Décoration. Un constat partagé par les autres professionnels du secteur. "On a fait beaucoup plus de ventes, les budgets étaient plus importants et les gens plus heureux que d’habitude", assure Pascale, pour qui la Saint-Valentin représente 10% du chiffre d’affaires. Certains craignaient, à tort, des moins bons chiffres, la fête tombant un dimanche. "Les ventes se sont étalées sur trois jours, depuis jeudi soir", explique Bérénice.

Une embellie trompeuse

L’embellie des ventes auprès des particuliers peut s’expliquer, en partie, par la fermeture des restaurants et des bars. "Les gens ont besoin de ça, de faire plaisir", pense Bérénice. Mais cette hausse ne masque pas le fait que tout n’est pas rose pour les fleuristes. Les ventes auprès des restaurants, des hôtels, des acteurs de l’événementiel ont presque totalement disparu en raison du contexte sanitaire. "On est loin d’avoir compensé ces pertes", souffle Pascale.

Pour d’autres, c’est plutôt la hausse continue des prix de la fleur qui inquiète. Le froid, la hausse des coûts du transport et d’approvisionnement auprès des grossistes impactent les prix. "Je n’émarge pas autant que les autres mais j’ai presque honte de vendre une rose rouge 5,5 euros", regrette Laura.

Les inquiétudes des fleuristes ne se sont pas évanouies. Un septième de la profession, soit 2 000 fleuristes ont fait faillite depuis le début de la crise sanitaire d’après une étude de Val’hor publiée en septembre. "La fleur devient un luxe ", craint Laura. Un luxe qui n’a pas empêché de renouer, l’espace d’un instant, avec un semblant de normalité.

 *Le nom a été modifié.

Clément Aubry

Une bonne nouvelle peut en cacher une mauvaise. La baisse des demandeurs d’emplois en France (-1,3%) et dans le Grand Est (-1,1%) au quatrième trimestre 2020 alerte sur la situation difficile des demandeurs d’emplois. Face à la situation épidémique et économique, beaucoup de demandeurs d’emplois renoncent à continuer leur recherche et se retrouvent en dehors des statistiques Pôle emploi. L’Insee parle d’une baisse du chômage en “trompe-l’oeil”. En effet, pour être chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT), il faut avoir effectué une démarche de recherche d'emploi au cours des quatre dernières semaines et se déclarer disponible dans les deux semaines pour occuper un emploi.

"Ils ont hâte que les relations physiques reprennent”

Pour Dominique Mamet, bénévole à la Solidarités nouvelles face au chômage, association qui accompagne gratuitement les demandeurs d’emplois, cette situation se confirme sur le terrain. En charge du suivi de cinq personnes, trois ne lui répondent plus et refusent l’accompagnement. “Aujourd’hui on essaye de renouer le lien en les appelant. Mais au téléphone on sent la baisse de motivation, certains pensent que tout ça ne sert à rien et qu’ils ne trouveront jamais d’emplois”, se désole-t-il. En 2020, l’antenne strasbourgeoise de l’association a reçu environ moitié moins de demandes d’accompagnement par rapport à 2019. 

La crise économique aggravée par le contexte épidémique ne facilite pas la recherche d’emploi. Philippe Willenbucher, permanent de l’association ABCDE, souligne le problème de l’absence de lien social. “C’est très dur quand vous êtes seul dans votre appartement, que vous n’avez plus de contact avec vos amis ou vos anciens collègues". Un constat partagé par Paul Landowski, créateur des Café contact de l'emploi, un concept de speed dating entre demandeurs d’emplois et employeurs créé pour simplifier la prise de contact professionnelle. “Il y a beaucoup de personnes isolées en détresse qui m'appellent pour savoir quand est ce que les Café contact vont reprendre. Ils ont hâte que les relations physiques reprennent”, alerte Paul Landowski qui ne sait toujours pas quand est ce que les Cafés, toujours interdits, vont pouvoir reprendre. 

Pôle emploi peine à accompagner les chômeurs longue durée 

Du côté du  Syndicat national du personnel de Pôle emploi (Snap), on nuance les propos de l’Insee. Christian Parisot, délégué régional du Grand Est voit une spécificité de la région Grand Est. Selon lui, les résultats tiennent davantage de l’absence de grande vague de licenciement sur le troisième trimestre et d’une augmentation des recrutements par les entreprises. Il souligne que les services Pôle emplois, notamment l’accueil en agence et les échanges par téléphone, ont été maintenus depuis le début de la crise “sauf pendant le premier confinement”, admet-il. “Malgré le contexte, on a toujours maintenu un contact avec les demandeurs d’emplois, notamment grâce notamment aux outils numériques". Néanmoins, Christian Parisot reconnaît que l’accompagnement des chômeurs longue durée parfois peu à l’aise avec les outils numériques est compliqué. “Leur nombre a augmenté dans le Grand Est. On concentre nos efforts sur ce public qui a le plus besoin d’aide mais il faut reconnaître que nos effectifs restent insuffisants au vu du nombre de demandeurs d’emplois”, conclut-il.

Eiman Cazé

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