Ehmade, Jean-Marie et Movsar ont beau être voisins aux "Romains", ils ne communiquent pas. Ils ne parlent respectivement que l’anglais, le français et le russe. "Je ne peux échanger qu’avec des russophones, principalement des Arméniens, Géorgiens, Ukrainiens", lâche le Tchétchène. Pour les autres, la conversation se limite à de brèves formules de politesse. "Presque personne ne parle français ici, on se rapproche inévitablement des personnes venant de la même zone géographique", déplore Movsar. Les trois hommes ne connaissent même pas le prénom des autres. Ils partagent pourtant la même "unité de vie", section regroupant trois à cinq personnes avec cuisine, douche et toilettes communes.
Un manque d'accompagnement
Jean-Marie est né à Strasbourg. S’il s’est retrouvé aux Romains, c’est parce que sa vie a basculé en 2014. Sa femme le quitte, il perd emploi et logement. Après un bref passage en centre d’hébergement au Neuhof, dans une chambre "qui ressemblait à une cellule de prison", il se retrouve dans ce logement sur le conseil d’assistants sociaux.
Koenigshoffen Demain, l’association en guerre contre les promoteurs
Avec plus de 300 adhérents, Koenigshoffen Demain est un acteur incontournable de la vie du quartier : organisation du marché de Noël, manifestations et travaux d’embellissement. Mais depuis sa création en 2008, en réponse à la friche industrielle Québecor, son moteur demeure la protection du quartier face à l’urbanisation galopante. Deux autres initiatives suscitent une ferme opposition des membres de l’association : la création de 250 logements sociaux rue de la Chartreuse et la relocalisation d’un centre culturel turc chemin Long.
Apolitique, Koenigshoffen Demain fonctionne grâce aux cotisations des adhérents, aux subventions du Crédit Mutuel et à une partie de la réserve parlementaire de l’ancien député du Bas-Rhin, Eric Elkouby. Ces fonds lui permettent de s’engager dans des combats judiciaires contre les entreprises de construction en cours.
Les ouvriers s’affairent depuis juillet sur cette route très fréquentée qui recevra courant 2020 la prolongation de la ligne F du tramway. Pas l’ombre d’un rail pour l’instant, mais des barrières et des déviations en pagaille. Un concert de marteaux-piqueurs étouffe le ronronnement des moteurs de voiture. Au milieu de ce bazar urbain, les cyclistes se démènent pour distinguer leur chemin. L’odeur de la poussière, mêlée aux pots d’échappement, prend le nez.
Les ouvriers s’affairent depuis juillet sur cette route très fréquentée qui recevra courant 2020 la prolongation de la ligne F du tramway. Pas l’ombre d’un rail pour l’instant, mais des barrières et des déviations en pagaille. Un concert de marteaux-piqueurs étouffe le ronronnement des moteurs de voiture. Au milieu de ce bazar urbain, les cyclistes se démènent pour distinguer leur chemin. L’odeur de la poussière, mêlée aux pots d’échappement, prend le nez.
A l’écart, dans ce quartier à l’ouest de la gare de Strasbourg, la résidence sociale "Les Romains Isolés" héberge depuis 1987 des individus aux histoires difficiles. Tous espèrent rebondir au plus vite, mais la durée de séjour dans ces bâtiments gérés par la société Adoma s’étend parfois sur des années, voire des décennies.
Peut-être enfin le couronnement d'une longue bataille judiciaire pour Koenigshoffen Demain? Le rapporteur du Conseil d'Etat a rendu un avis favorable le 18 octobre 2018 sur le recours de l'association d'habitants. Ce n'est qu'un avis mais il fragilise le jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg en 2017, qui a validé le permis de construire de Secret Garden.
L’association s’oppose à cette construction sur un terrain qu’elle estime encore pollué. C’est que le site des anciennes imprimeries des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) est sous le coup de restrictions d’usages : interdiction d’utiliser l’eau des sols, de cultiver un potager et d’accueillir une école ou une crèche. L'arrêté municipal qui accorde le permis de construire au promoteur Frank Immobilier mentionne ces impératifs. Il ravive la polémique sur la dépollution du site.
Six ans après son expulsion, l’ancien squat du 2 route des Romains est aujourd’hui un champ de ruines. Cette expérience d’habitation alternative continue de susciter des réactions, nostalgiques ou critiques. Unique dans l’histoire de Koenigshoffen, ce lieu a vu naître Papier Gâchette, une imprimerie associative.