Marine De Lassalle voit aussi un impact de l’économie sur le scrutin. Après la crise de 2008, une partie du Grand-Est a peiné à se redresser. Seule épargnée : l’Alsace. Soit la région qui a voté le plus pour EELV. « Dans les autres départements, le vote sert plutôt à exprimer l’angoisse du déclin économique, industriel voire démographique », conclut la professeure. Donc moins pour EELV.
Autre facteur de la concentration des bulletins verts en ville : la jeunesse. Le vote écolo est une tendance typique des jeunes aux européennes selon Romain Lachat, chercheur au CEVIPOF, le laboratoire de recherche de SciencesPo : « Ces électeurs sont attirés par des forces politiques plutôt nouvelles car ils n’ont pas d’attachement fort aux partis traditionnels. »
« Le flou de la gauche » profite aux Verts
Aux élections européennes de 2019, le Grand-Est a voté deux fois plus écolo qu’au scrutin de 2014. Un succès pour Europe Ecologie-Les-Verts (EELV), mais qui ne vaut pas pour tout le territoire, pour plusieurs raisons.
Avec 13,47% des voix, Europe Ecologie-Les-Verts (EELV) est devenu en mai dernier le troisième parti de France lors des élections européennes. La liste portée par Yannick Jadot a été plébiscitée au niveau national mais aussi plus localement. Dans le Grand-Est, les Verts enregistrent 102% de voix de plus qu’en 2014.
La fracture entre Grand-Est des villes et Grand-Est des champs s’explique en partie par des différences du niveau de revenu par habitant. La moitié des communes les plus pauvres, en grande partie rurale, ont voté vert à 5,9%. Pour la moitié des communes les plus riches, ce chiffre grimpe à 9,3%.
« Les électeurs écologistes viennent des couches moyennes salariées : ils travaillent plutôt dans l’éducation, la culture, la santé ou le travail social , poursuit Marine De Lassalle. Mais ils ont davantage de capital culturel que de capital économique ». Ce ne sont donc pas forcément les personnes les plus aisées qui votent Europe Ecologie-Les-Verts. Preuve en est : le dixième des communes les plus riches ont moins voté écolo que celles à peine moins fortunées qu’elles.
Lecture : Les 10% les plus pauvres des communes ont voté en moyenne 5,8% pour EELV
Nicolas Arzur, Judith Barbe, Estelle Burckel, Sarah Chopin, Aurélien Gerbeault, Marine Godelier, Mariella Hutt
Comment nous avons procédé
Pour réaliser cet article, centré sur la région Grand-Est, nous avons utilisé les données communales des résultats des élections européennes 2019 en France. Pour l'Allemagne, ce sont les résultats à l'échelle du district. Les frontières avec le Luxembourg, la Belgique et la Suisse ont été volontairement exclues de l’étude pour limiter la comparaison à la France et l'Allemagne, notamment en raison des taux importants de voix en faveur des écologistes en Alsace et dans le Bade-Wurtemberg.
Nous avons également eu recours aux données des élections antérieures, de 1994 à 2014, pour visualiser l'évolution des voix françaises en faveur des listes écologistes et socialistes.
Nous avons croisé le fichier 2019 avec différentes variables : le revenu médian, la catégorie socio-professionnelle, le niveau de diplômé et l'âge des populations pour chaque commune – variables croisées qui n'ont pas toutes été retenues dans l'article final. Les données fusionnées sont disponibles à cette adresse.