07 février 2013
Le dernier rapport d’Eurostat publié le 1er février recense près de 26 millions de personnes au chômage dans l’Union, soit 11,7 % de la population active. Un chiffre qui dissimule de fortes zones de pression.
Depuis 2008, plus de 9 millions de personnes sont venues grossir les rangs des demandeurs d’emploi européens. Si la plupart des pays de l’Union – 20 sur 27 – ont vu le nombre de leurs chômeurs croître en 2012, d’importantes différences sont cependant à observer entre eux.
Un clivage Nord/Sud
Les pays dits du nord s’en sortent mieux que leurs homologues du sud. L’Autriche (4,5 % de chômeurs), le Luxembourg (5,1 %) et l’Allemagne (5,4 %) se situent tout près des taux synonymes de plein emploi, bien loin devant les pays du sud. La Grèce et l’Espagne, deux Etats particulièrement touchés par la crise et par les mesures d’austérité, voient leurs taux de chômage atteindre des niveaux exceptionnels. En novembre 2012, le nombre des chômeurs espagnols s’élevait à 26,6 % de la population active. Un demi-point de plus que le taux de chômage grec, établi à 26,1 %. Le Portugal, avec 16 % de chômeurs, connaît lui aussi une situation difficile. A l’heure actuelle, près de la moitié des 26 millions de demandeurs d’emploi de l’UE sont des ressortissants de pays sous programmes d’aide. A titre d’illustration, l’Espagne représente, à elle-seule, 21 % des chômeurs de longue durée (douze mois et plus) de l’Union.
Les jeunes, premières victimes de la crise
Plus de 5,7 millions d’Européens de moins de 25 ans sont aujourd’hui en recherche d’emploi, soit 23,4 % des jeunes appartenant à cette tranche d’âge, hors étudiants. En un an, leur nombre a crû de plus de 300 000. Mais là non plus, la situation n’est pas homogène. Seuls 8 % des jeunes allemands connaissent le chômage et 10 % des Néerlandais de moins de 25 ans. Des chiffres qui apparaissent excellents au vu de la situation catastrophique que connaissent la Grèce ou l’Espagne, où plus de la moitié des jeunes actifs sont en recherche d’emploi. Comme le souligne la Commission dans son dernier rapport conjoint sur l’emploi, une amélioration de la situation passera peut-être par une meilleure prise en compte de la transition école-marché du travail. Pour rappel, au dernier trimestre 2011, le taux d’emploi des jeunes européens atteignait 34,7 % de la population des 15-24 ans, étudiants compris, soit une baisse de 3,8 % par rapport à 2008, au début de la crise économique.
Hausse du chômage. Si toutes les catégories de population sont concernées, les jeunes sont les plus touchés.
Le travail précaire explose
Prenant appui sur le constat que les pays suivant cette voie s’en sortent mieux, la Commission appelle régulièrement à plus de flexibilité sur le marché du travail. Dans l’Union européenne, depuis le début de la crise, on observe une hausse importante du travail temporaire et du travail à temps partiel. Ce dernier a, par exemple, bondi de près de 19 % au cours de l’année 2011. Les pays méditerranéens et la Pologne figurent parmi les Etats où le travail précaire est le plus répandu. Sur ce point, hommes et femmes sont inégalement touchés. Quand 8,8 % des salariés-hommes exercent une activité à temps partiel, près d’un tiers des salariées-femmes est dans le même cas. Une situation par ailleurs subie pour plus de 60 % des travailleurs concernés. En 2013, la situation de l’emploi en Europe ne devrait pas s’améliorer. Paralysée par les mesures d’austérité budgétaire, la croissance économique, principale créatrice d’emplois, devrait être faible voire nulle dans nombre de pays de l’Union. Pour l’année en cours, la BCE prévoit – dans le meilleur des cas – une croissance de 0,3 % pour la zone euro. Un taux insuffisant pour absorber l'effet de la croissance démographique. La commission a d’ailleurs averti, « les perspectives pour 2013 [sont] peu encourageantes ».
Benjamin Delombre
Le rapport Lope Fontagné sur l'emploi et les aspects sociaux dans le cadre de l'Examen annuel de croissance, adopté ce jeudi 7 février par le Parlement européen, adresse à la Commission et au Conseil 8 recommandations sur les meilleurs moyens lutte contre le chômage.
On ne lui demande pas son avis. Il le donne, et dans les formes. Le rapport d'initiative de la commission Emploi et affaires sociales (EMPL) adopté ce jeudi par le Parlement a toutes les allures d'un avis formel sur les lignes directrices à adresser aux Etats membres dans le cadre du semestre européen.
Dans ce texte, les députés enfilent la blouse de médecin de l'emploi et dressent un diagnostic accablant sur l'emploi dans l'Union : 25 millions de chômeurs, soit 10,5 % de la population en âge de travailler. « Les perspectives pour 2013 sont pessimistes », avance la rapporteure Veronica Lope Fontagné (PPE). La situation des jeunes actifs est en premier lieu préoccupante, avec un taux de chômage de 22,8 % en moyenne, plus de 50 % en Grèce et en Espagne.
A partir de ce constat, le Parlement propose son traitement. Prudence d'abord: dans un contexte de ralentissement économique, « l'assainissement budgétaire peut avoir des conséquences négatives à court terme sur la croissance et l'emploi. » Mais aussi ambition: les plans nationaux de réforme que présenteront les Etats dans le cadre du semestre européen devraient mettre l'accent sur « des mesures d'ensemble pour la création d'emplois et les emplois verts », « une fiscalité du travail qui encourage l'emploi » mais aussi prévoir «d' investir dans l'éducation et la formation. »
Le rapport demande aux dirigeants nationaux de veiller au dosage entre coupes budgétaires et investissements orienté vers l'emploi et la croissance. Les mesures prioritaires devront faciliter la création d'entreprise, l'accès des PME au financement, et parier sur le gisements d'emploi promis par les technologies de l'information et de la communication, la santé et l'écologie. Le rapport Lope Fontagné appelle ainsi l'Europe à miser sur le développement durable, à travers ses trois piliers : économique, social et environnemental.
Les députés jouent la montre politique
En adoptant ce texte, le Parlement européen exprime sa volonté d'être intégré davantage dans le semestre européen et demande à y « être associé comme il se doit.» Veronica Lope Fontagné a exprimé le mardi 5 février devant l'hémicycle son souhait « que le Conseil européen de printemps prenne en compte ses considérations. »
Ce qui n'empêche pas le sens de l'opportunité. Lors de leur vote, les eurodéputés ont écarté le premier paragraphe du rapport demandant au président du Conseil Herman van Rompuy de « défendre » la position du Parlement lors du sommet, les 14 et 15 mars 2013. Ils ont aussi rejeté l'amendement de Marije Cornelissen (Verts/ALE) invitant « la Commission et le Conseil à conclure un accord institutionnel à avec le Parlement afin de conférer à ce dernier un rôle à part entière dans l'élaboration et l'approbation de l'examen annuel de croissance. ». Entre les tensions parmi les Etats à propos du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et les risques de fragmentation du front parlementaire à l'approche des élections européennes de 2014, le moment n'est peut-être pas encore propice pour négocier la forme juridique d'une véritable participation.
Loïc Bécart