07 février 2013
Port de pêche de Fraserburgh (Ecosse) - La mer du Nord est l'une des zones les plus exploitées par l'Union.
Mettre fin à la surpêche et redynamiser l'emploi dans les eaux de l'Union d'ici 2020, voilà les ambitions du règlement de base de la Politique commune de la pêche (PCP) adopté mercredi au Parlement européen par 502 voix contre 137. Il entend de mettre fin à l'ancienne PCP, un « désastre unique » selon la rapporteur allemande Ulrike Rodust. Son avis est partagé par l'ensemble des parlementaires.
Obligation de débarquement de tous les poissons
La fin programmée des rejets en mer constitue le principal volet de la réforme. Les rejets constituent actuellement près d'un quart des prises de marins-pêcheurs. En 2017, les bateaux seraient obligés de ramener et d'enregistrer au port toutes leurs prises. La mise en place de ces obligations de débarquement se ferait progressivement selon les espèces et les régions. 2014 pour : maquereau, hareng, chinchard, merlan bleu, anchois, sardine, sprat, thon rouge, espadon, lançon, tacaud norvégien, saumon de la Baltique. 2016 pour : cabillaud, églefin, merlan, lieu noir, langoustine, sole, plie, merlu, crevette nordique. Et enfin 2017 pour les autres espèces.
Le groupe S&D, satisfait de cette option, compte sur la création d'une filière de farine animale pour les prises trop petites ou non-consommables. Des farines qui seront destinées à l'aquaculture de gros (saumon, etc.). Un choix que désapprouvent les Verts, qui auraient préféré améliorer la sélectivité lors des capture grâce à des filets plus moderne. « Trier au fond plutôt que sur le pont et a fortiori sur le port », c 'était aussi la préférence de la Région Bretagne et du Comité national de pêche maritime et des élevage marin (CNPMEM), qui déplorent les difficultés d'adaptation matérielle que rencontreront les professionnels.
Diminution notable des taux de capture d'ici 2015
Autre innovation: à partir de 2015, le principe du "rendement maximal durable", fondé sur des l'avis de scientifiques, entrera en vigueur. Celui-ci exige de ne pas pêcher chaque année plus de poisson que la nature n'est capable d'en produire. En s'inspirant de la politique de pêche de la Norvège, le Parlement opte pour un objectif de reconstitution des stocks de poisson, d'ici 2020, au-dessus des niveaux permettant d'atteindre ce rendement maximal durable. Concrètement, les pêcheurs devront réduire sensiblement leurs activités d'ici 2015. Le respect de ces contraintes incombera aux États membres sous peine de se voir amputés des aides du Fonds européen pour les affaires maritimes.
Mardi 5 février, lors des débats préliminaires au vote, le libéral-démocrate britannique Chris Davies a concédé : « il y aura des problèmes. Mais ils disparaîtront avec le retour des poissons ». Retour qui pourrait se faire attendre au vu des données scientifiques relativement imprécises dont dispose l'Union européenne. Pour les professionnels de la mer, ce brusque changement se traduira, par exemple, par des non-remplacements de départ en retraite et un ralentissement conséquent de toute la filière pêche.
Pas de marché des concessions de pêche
Les concessions de pêche transférables, proposition de la Commission, ont été rejetées par le Parlement. Cette mesure aurait permis aux patrons-pêcheurs de louer ou vendre les quotas qui leur sont attribués par la puissance publique. Les opposants à cette mesure, en tête le député breton PPE Alain Cadec, dénonçaient cette monétarisation des concessions. Localement, la mesure n'aurait pas été réellement appréciée : la Région Bretagne s'inquiétait d'une probable concentration des concessions et de futures difficultés d'installation pour les jeunes, contraints à s'endetter pour une concession en plus des investissements de base.
Pour Hubert Carré, directeur général du CNPMEM, ce marché se serait retrouvé à la merci des ONG ou des associations de plaisanciers. Et de conclure : « L'instauration des quotas individuels transférables revient à établir une définition de la pêche artisanale qui ignore les spécificités de la pêche française. »
Le texte adopté par le Parlement prévoit aussi que les États membres établiront de zones de reconstitution des stocks de poissons dans lesquelles toutes activité de pêche sera interdite, en privilégiant celles qui sont importantes pour la reproduction des poissons. Les États membres devront identifier et désigner ces zones. Le projet de leur imposer une taille minimale de 10% des eaux territoriales a été rejeté lors du vote.
Un accord en fin de semestre
Reste à trouver un accord avec le Conseil des ministres, ce qui ne sera pas chose facile. La présidence irlandaise souhait y parvenir fin juin. Mais les divergences sont importantes, notamment sur les proportions et le calendrier de baisse des taux de capture. Simon Coveney, ministre de la Pêche irlandais, a cependant salué le travail du rapporteur et de sa commission, affirmant vouloir les « aider à sortir des conflits interinstitutionnels ».
Appuyé par la commissaire Maria Damanaki, le Parlement devrait en outre voter d'ici juin le dernier volet de la réforme de la PCP : le Fonds européen aux affaires maritimes et à la pêche, instrument crucial de son financement.
Quentin Chillou