16 mars 2023
Alors que les besoins en matières premières critiques vont bondir, la Commission européenne présente un projet de loi pour assurer son indépendance vis-à-vis de la Chine, principal exportateur des matériaux qui composent nos batteries de voitures électriques. L’objectif : relocaliser leur extraction en Europe, malgré les conséquences environnementales.
« Sans un approvisionnement sécurisé et durable des matières premières critiques, il n’y aura pas de transition industrielle et verte » prévient Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne en charge de l’ère numérique, ce jeudi. 500% : c’est l’augmentation prévue par l’Union européenne de la demande de ces matériaux stratégiques d’ici 2050. Ils regroupent différents métaux, dont les plus connus sont le lithium, le cobalt et les terres rares. Noyaux de la transition énergétique, ils sont indispensables dans la confection des batteries de voitures électriques et des rotors d’éoliennes. Avec l’objectif d’une économie européenne décarbonée et numérique, ces composants seront de plus en plus en tension.
Plus de 95% des matières premières critiques utilisées sur le vieux continent sont extraites et produites hors d’Europe, et en majorité de Chine. En cas de conflit avec Pékin, cette ultra-dépendance pourrait être un moyen de pression. Inspirée par un texte du Parlement européen, la Commission européenne a proposé ce jeudi 16 mars un projet de loi pour garantir son approvisionnement dans ces matières premières critiques.
Réouverture de mines en Europe
Selon cette nouvelle législation, 10% de ces matériaux stratégiques devront être extraits dans l’Union européenne d’ici 2030. Hildegard Bentele (PPE, droite), spécialiste du dossier, défend l’idée : « On a nos propres réserves, on doit mieux les exploiter ». Des projets d’extraction de lithium sont déjà en discussion en France et un gisement de terres rares a été découvert à Kiruna, en Suède.
Pour faciliter l’ouverture de ces mines, le texte de la Commission prévoit de réduire le délai de délivrance des autorisations de dix à deux ans. « Il faut accélérer le processus. Même pour la population, c’est mieux. Attendre pendant sept ans sans savoir si une mine va vraiment s’ouvrir à côté de chez soi est pesant. Malgré tout, on ne veut pas baisser nos standards et notre qualité », souligne l’eurodéputée du PPE.
Dans ces projets, l’UE veut en effet garantir le respect des travailleurs et des normes environnementales, « contrairement à la Chine qui s’assoit sur les standards sociaux et écologiques », dénonce Saskia Bricmont (Les Verts, écologistes).
S’assurer du respect de ces normes requiert une équipe de contrôle plus importante en amont. En aval, réimplanter des mines sur le sol européen nécessiterait plus de main d'œuvre industrielle. Le rapport d’Hildegard Bentele estime ainsi que 350 000 emplois seraient créés dans le secteur des matières premières critiques d’ici 2030.
Ces projets d’extraction sont menés généralement par des sociétés privées. Mais le document prévoit l’octroi d’aides publiques pour certaines mines stratégiques.
Favoriser l’économie circulaire
Concernant le raffinage de ces matières premières, la Commission a indiqué qu’il devra se réaliser à 40% sur le territoire européen et non en majorité en Chine comme actuellement. Autre mesure d’indépendance énergétique, 15% des matériaux stratégiques devront être issus du recyclage. « Il faudrait mettre en place un système de collecte d'appareils usagés, détaille Hildegard Bentele. L’objectif serait de tout fabriquer avec des matériaux recyclés et grâce à ça nous n’aurons pas autant besoin de nouveaux métaux issus d’autres pays. »
Mais tout est encore à faire. Les projections estiment que ces trois paliers ne seront atteignables que d’ici une dizaine d’années. L’Union européenne devra donc encore importer ces métaux et diversifier ses fournisseurs. Philippe Lamberts, président du groupe les Verts/ALE, affirme : « L’Europe devra extraire des matières premières chez elle, et puis elle devra passer des accords avec d’autres pays qui ont peut-être plus de ressources que nous, en payant le juste prix et en ne faisant pas de ces pays des poubelles. »
Contreparties écologiques
De plus, l'ouverture de mines sur le territoire reste un écueil en matière d’environnement. Dans le cas du lithium, 40 000 litres d’eau sont nécessaires pour séparer l’atome du sol, asséchant les cours d’eau. Et les déchets de roche, mélangés aux substances toxiques utilisées lors de l'extraction, polluent le sol et les nappes phréatiques.
Pour la députée écologiste Saskia Bricmont, « Il faut promouvoir la recherche et le développement pour se passer des matières premières critiques. On doit réduire nos besoins envers ces matériaux et chercher la circularité des ressources, c’est-à-dire de recycler les appareils usagés. Ce qui est sûr c’est qu’il n’est pas possible de continuer sur cette trajectoire, il faut une prise de conscience ».
Marine Lebègue et Jade Lacroix