28 mars 2019
Les eurodéputés ont révisé, ce jeudi 28 mars, les règles européennes sur l’eau potable. Née d’une initiative citoyenne, la nouvelle directive prévoit des contrôles plus stricts pour renforcer la confiance des consommateurs dans l’eau du robinet.
Le droit européen sur l’eau potable a bénéficié d’un rafraîchissement. Ce jeudi 28 mars, les eurodéputés ont approuvé une refonte importante des règles sur l'eau qui étaient restées presque inchangées depuis les années 80. La nouvelle directive est historique. Elle est la première issue d’une initiative citoyenne européenne (ICE), nommée Right2Water. L’initiative, qui demandait « une eau saine et accessible », avait récolté 1,8 millions de signatures en 2014.
Déjà adopté en octobre 2018, le dossier avait été gelé par quelques États au sein du Conseil de l’Union Européenne. Finalement remis à l’ordre du jour, il a été voté pour la seconde fois, ce jeudi, afin de montrer la détermination du Parlement à avancer sur ce dossier avant les élections européennes du mois de mai.
Une eau plus propre
La directive sur l’eau potable avait, selon le Parlement, besoin d’une mise à jour pour la mettre en conformité avec les normes sanitaires de l’OMS. La réforme établit un meilleur contrôle de la qualité de l’eau et s’attaque à plusieurs produits néfastes. Le seuil maximum de plomb toléré dans l'eau va ainsi être réduit de moitié. Les taux de bactéries nocives feront également l’objet d’une surveillance accrue. Ces mesures ont fait largement consensus au consensus au Parlement.
C’est au sujet des perturbateurs endocriniens et des microplastiques que cela se corse. La directive adoptée évoque les deux substances mais n’impose pas de contrôles systématiques, leur dangerosité n’étant pas reconnue officiellement par l’OMS.
L'eurodéputé français Michel Dantin (PPE, chrétiens démocrates) a défendu pour la seconde fois la directive sur l'eau potable au Parlement européen © Benjamin Martinez
De plus, pour le rapporteur et eurodéputé français Michel Dantin (PPE, chrétiens démocrates), être trop strict sur le contrôle de l’eau pourrait contraindre les distributeurs à augmenter les coûts. Tout en défendant une réglementation de la qualité de l’eau au niveau européen, la directive concède des marges de manoeuvre aux États membres et aux distributeurs sur le sujet des microplastiques et des perturbateurs endocriniens. L'eurodéputée irlandaise (Lynn Boylan, gauche antilibérale) pointe le risque d’une application « à la carte » : « Chaque Etat va pouvoir choisir comment fonctionner. Or il faudrait un changement systémique des pratiques. »
La nouvelle directive va tout de même obliger les distributeurs à plus de transparence : ils devront désormais publier sur leur site la composition exacte de l’eau proposée. Une mesure qui devrait permettre aux citoyens d’avoir une meilleure information sur leur consommation. C’est d’ailleurs la volonté de Michel Dantin : « Nous souhaitons développer la responsabilisation du consommateur. » La transparence ne va cependant pas assez loin pour certains eurodéputés qui auraient aimé que soit également indiqué le lieu de traitement de l’eau.
L'un des objectifs du texte : mettre à disposition des fontaines à eau dans toutes les villes © Héloïse Lévêque
Pour le militant espagnol Pablo Sanchez, qui a porté l’ICE, la plus importante de leur revendication n’a pas été assez prise en compte : « L’accès à l’eau, qui était le but même de Right2Watch a été réduit à un unique article dans cette directive eau que l'on dirait choisie au hasard ». Les signataires de l’initiative espéraient qu’elle mènerait à une directive traitant spécifiquement de cette question de l’accès à l’eau et non à une simple révision de la directive existante sur l'eau potable.
De l’eau potable pour tous les Européens
Néanmoins, l'un des objectifs affichés de la révision de la directive est bel et bien de permettre aux européens de bénéficier d’eau potable, partout en Europe et quelles que soient leurs ressources. Dans ce sens, les États devront prendre des mesures pour assurer un accès équitable et universel. À l’intérieur des écoles, mairies et cafés, chacun devra désormais pouvoir se voir offrir de l'eau potable. Depuis 1967, les cafés français sont déjà dans l’obligation de servir gratuitement de l’eau si l’on en fait la demande. Mais ce n’était pas le cas dans d'autres pays européens, comme la Belgique par exemple.
Des fontaines vont aussi être installées dans les rues. Pour Michel Dantin, « ces mesures sont beaucoup plus secondaires que celles sur l’amélioration de la qualité de l’eau ». Il estime que la quasi-totalité de la population européenne a déjà actuellement accès sans difficulté à de l’eau potable.
Mais selon la Commission européenne, les pénuries d’eau concernent encore pas moins de 11% des européens. Elle affirme également qu’un meilleur accès à l’eau potable pourrait permettre de réduire de 17% la consommation d’eau en bouteille. C’est d’ailleurs l'un des autres enjeux de la directive. « Nous voulons que les citoyens aient confiance en l’eau du robinet », assure Christophe Hansen, eurodéputé luxembourgeois (PPE, chrétiens démocrates). « Boire directement l’eau du robinet, c’est bon pour le portefeuille mais c’est aussi bon pour l’environnement », note-t-il.
Après cette nouvelle adoption, les eurodéputés espèrent que les États feront de cette mesure une priorité. En octobre dernier, l’Autriche alors à la tête du Conseil de l’Union européenne avait laissé traîner le dossier.
Héloïse Lévêque, Macha Menu