04 février 2016
Les eurodéputés ont confirmé le 3 février leur soutien à une négociation commerciale sur les services engagée avec 21 pays, tout en traçant des « lignes rouges ». Il revient désormais à la Commission européenne, négociateur au nom des 28 États membres de l'Union, d'en tenir compte.
Les parlementaires européens veulent obtenir un droit de regard sur l'accord européen sur le commerce des services (ACS), connu aussi sous le nom de TiSA (Trade in Service Agreement). C'est en tout cas ce qu'ils ont affirmé, mercredi 3 février, en dictant leurs recommandations à la Commission européenne, mandatée par le Parlement pour mener au nom des 28 Etats membres ces négociations sur le libre-échange des services avec 21 pays, dont les États-Unis, le Canada, l'Australie et le Pakistan.
Cet accord en chantier depuis le printemps 2013, est censé permettre de lever les entraves au commerce des services entre l'Europe et ses 21 partenaires. Finance, télécommunications, transports, poste, énergie, ou encore numérique... les domaines concernés sont nombreux, mais le détail de ces négociations n'est pas encore connu. Ce qui vaut à la Commission d'être accusée par les eurodéputés de négocier en catimini, et de favoriser les multinationales au détriment des citoyens.
La députée Viviane Reding, rapporteuse sur le TISA au Parlement européen
Inquiétudes
Les eurodéputés s'inquiètent de l'éventuelle introduction des services publics et culturels dans ces négociations, toujours en cours. « C'est une mise en garde envoyée à la Commission européenne», a affirmé Viviane Reding (PPE, centre-droit) à l'origine des recommandations votées mercredi. Autre « ligne rouge » tracée par les députés européens : la protection des données personnelles, à laquelle ils se sont montrés particulièrement attachés.
Evoquant ces recommandations votées à une grande majorité dans l'hémicycle, l'eurodéputée luxembourgeoise, par ailleurs ancienne commissaire européenne, s'est réjouie d'un « compromis non partisan », envoyant un « signal fort » aux négociateurs.
Débat houleux
Malgré un vote largement favorable, le débat a parfois été houleux entre les députés. En atteste les 70 amendements qui avaient été déposés sur le sujet. Si les élus se sont montrés unanimes sur la nécessité d'encadrer les négociations, nombre d'entre eux ont exprimé leurs réticences devant le manque de précision des recommandations.
Le PPE (centre droit) et l'ECR (conservateurs) ont apporté un soutien clair au TiSA, un accord qui sera selon eux bénéfique pour la croissance européenne, puisque le secteur des services représente 25% du commerce extérieur et 70% des emplois dans l'Union. « Une opportunité pour placer l'UE en position de leader », a ainsi jugé le député polonais Jaroslaw Walesa (PPE).
Droit de veto
Les socialistes-démocrates, eux-aussi globalement favorables à cet accord, ont toutefois attiré l'attention sur la nécessité d'en limiter la portée, pour ne pas aboutir à un « mega-accord », recouvrant un nombre de domaines extensible à l'infini.
Les mots sont plus durs du côté des Verts et de la GUE (gauche radicale), dont les membres se sont prononcés contre le rapport de Viviane Reding. L'eurodéputé grec Stelios Kouloglou (GUE) a dénoncé « une chirurgie esthétique rendant plus appréciable le TiSA ». Il se dit toutefois satisfait d'avoir obtenu plusieurs garanties, comme la prise en compte des règles de l'Organisation Internationale du Travail par toutes les parties, et l'annulation des clauses empêchant toute re-nationalisation après une privatisation.
Reste à savoir si la Commission européenne prendra en compte les recommandations du Parlement. Le rapport n'est que consultatif, mais la commissaire au commerce, Cécilia Malström, s'est voulue rassurante : « Le Parlement européen aura son mot à dire ». Et la rapporteuse Viviane Reding de rappeler: « les eurodéputés pourront utiliser leur droit de veto en cas de non-respect de leurs recommandations », lors de la ratification de l'accord final.
Marie Berthomé