Vous êtes ici

Perturbateurs endocriniens, les raisons d'une discorde européenne


04 février 2016

Condamnée en décembre 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne a l’obligation de définir rapidement des critères scientifiques pour encadrer l'utilisation des perturbateurs endocriniens.

 

20160204-MM asset.jpg

 Le commissaire Vytenis Andriukatis devant le Parlement, à Strasbourg, mardi 1er février

 

« Tragédie », « Scandale politique », « Inconscience ». C’est par ces termes que les eurodéputés présents dans l’hémicycle ont dénoncé, mardi 1er février, le comportement de la Commission européenne concernant les perturbateurs endocriniens. Interrogé par les élus, le Lituanien Vytenis

Andriukatis, commissaire européen à la santé et médecin de formation, a eu toute les peines du monde à prouver son honnêteté. Martin Häusling, eurodéputé des Verts est allé jusqu’à l’accuser d’être « à genoux devant les lobbys ». Comment les deux institutions sont-elles arrivées à un tel point de rupture ?

Tout commence en mai 2012. Cette année-là, un règlement encadrant la mise sur le marché et l’utilisation des produits biocides est adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Le texte demande à la Commission de publier des critères scientifiques permettant de réglementer les perturbateurs endocriniens et cela avant décembre 2013. Il s’agit de limiter, voire d’interdire, ces molécules, néfastes pour l’homme et présentes dans des produits d’utilisation quotidienne (alimentation, jouets, eau, tickets de caisse…). L'un des plus connus est le bisphénol A, longtemps utilisé pour la fabrication des biberons et interdit en France en 2010.

En juillet 2013, la Commission décide d'évaluer l'impact d'une règlementation de ces molécules sur les industries européennes. Focalisé sur les questions économiques, le rapport de l'institution bruxelloise néglige les critères scientifiques et déclenche un tollé chez les eurodéputés. Ceux-ci accusent alors la Commission de privilégier les intérêts de l'industrie à la santé des citoyens européens. Le syndicat européen de l’industrie chimique admettra d'ailleurs plus tard avoir pesé sur l'orientation très économique de l'étude de la Commission.

Des critères scientifiques avant l'été

En juillet 2014, deux ans après son adoption, le règlement n’est toujours pas respecté par la Commission. La Suède porte alors plainte contre la Commission devant la Cour de justice de l’Union Européeenne, pour violation du règlement sur les biocides. La France, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas mais aussi le Parlement et le Conseil s’associent à la requête. Le procédé est rarissime. Pour la première fois, en décembre 2015, la Cour condamne la Commission et exige que l’institution publie des critères scientifiques dans les plus brefs délais.

C'est dans ce contexte tendu qu'est intervenu, mardi, le commissaire à la Santé devant le Parlement. Une première sur ce sujet depuis la condamnation de la Commission. Les eurodéputés, qui attendaient impatiemment les mesures prévues par Bruxelles, ont obtenu du commissaire lituanien une promesse: les critères scientifiques sur les perturbateurs endoctriniens seront dévoilés « avant l’été », leur a-t-il promis. Le temps d'obtenir les résultats d'une étude lancée par l'exécutif européen sur le sujet.

Maxime Maréchal

Imprimer la page