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Ça les a marqués

De retour à la caserne, les sapeurs-pompiers complètent le rapport d’intervention, préparent aussitôt le véhicule pour l’« inter’ » suivante et rangent leur tenue dans le casier, jusqu’à la prochaine sortie. Quelques uns débriefent, peu y reviennent vraiment. Loin des lieux de l’accident, pourtant, tous en conservent une trace. Qu’elles soient anodines, routinières ou uniques, ces interventions jalonnent leur carrière, leur engagement. L’ouragan Irma, le drame de Pourtalès, un simple arrêt cardiaque : ces sapeurs-pompiers professionnels, volontaires et secouristes bénévoles, expriment leur vécu.

SERGENT ALAIN HOFFMANN

Sapeur-pompier volontaire depuis dix ans

Alain Hoffmann n’a connu qu’un centre de secours, celui de Molsheim. C’est là qu’il s’est engagé, en 2008. Près de dix ans plus tard, ce sapeur-pompier volontaire passe ici deux nuits par semaine, « plus des demi-journées, selon mon carnet de commande ». A 39 ans, le ramoneur vient de s’installer à son compte. L’entreprise se fait doucement un nom, les enfants ont grandi. « Il y a un équilibre à avoir avec la vie de famille, le travail et les pompiers. L’ambiance, c’est comme dans une équipe de foot, on est tous ensemble », confie le SPV, tout en reconnaissant que « parfois, il y a des tensions » avec les sapeurs-pompiers professionnels. Le sergent évoque les « arrêts » - arrêts cardiaques dans le jargon – qui l’ont marqué.

ADJUDANT-CHEF SERGE KNAUB

Sapeur-pompier professionnel depuis 30 ans

« La première intervention ? » L’adjudant-chef soupire, sourire aux lèvres. Il ne se souvient pas. Dans un mois et demi, Serge Knaub quittera l’uniforme. « C’est toujours un peu une loterie de choisir un métier. Celui de pompier, c’est vrai qu’il est gratifiant parce qu’on vient au secours des gens. On a une reconnaissance, on a un retour sur ce qu’on fait », résume le sapeur-pompier professionnel de 57 ans. Les années d’engagement ont forgé un certain détachement. Des temps forts, l’homme en a vécu. « Sur 30 ans de carrière, on voit tellement de situations différentes, d’interventions dans des lieux différents, je ne peux pas en citer une. [...] Les grosses interventions avec beaucoup de victimes vous marquent plus. » Le 6 juillet 2001, Serge Knaub faisait partie des équipes intervenues sur les lieux du drame de Pourtalès (1).

CAPITAINE CLAUDE BOEHM

Sapeur-pompier professionnel depuis 21 ans

Claude Boehm a pris le commandement du centre de secours de Molsheim il y a un an et demi. Une consécration, un rêve d’enfant pour le capitaine. « Je suis rentré dans une caserne à l’âge de dix ans, j’ai mis une paire de bottes, ça m’a tout de suite plu et depuis, je ne les ai plus lâchées… » Jeune sapeur-pompier, engagement volontaire, brigade des sapeurs-pompiers de Paris, avant d’obtenir l’écusson professionnel : la panoplie quasi complète, à 39 ans. Le marathon de Claude Boehm démarre chaque jour à 7 h (2). De longues heures pendant lesquelles le chef de centre veille à la cohésion de ses équipes. « Il faut discuter, échanger, aller manger avec eux dans les équipes les samedis, venir en semaine, partager les moments les plus difficiles mais aussi les plus joviaux. » Le capitaine gère le moral des troupes. Car derrière l’uniforme, le suivi post-intervention est primordial. Faire parler dans un milieu de taiseux : un défi de taille. « On en parle sur le terrain, à chaud, on en parle à la caserne dès qu’on est rentré et on continue d’en parler. Ça nous permet de passer les étapes. »

CHRISTIAN OURY

Bénévole à la Croix-Rouge depuis treize ans

Christian Oury livre son récit avec flegme. Ce trait de caractère, le bénévole de la Croix Rouge de 58 ans l’a hérité de ses années de sapeur-pompier volontaire. « On a bien vécu chez les pompiers, on a appris beaucoup de choses, faut savoir s’arrêter. » Son investissement d’alors nuit à son environnement familial. « Les mois avant, on avait fait plusieurs cas de morts de nourrissons. [...] Mon gamin, il avait six mois. La nuit, je dormais pas. Je regardais s’il respirait, s’il était pas mort.” (3) En 2001, le SPV arrête après 20 ans d’engagement. Une pause interminable pour le secouriste. « Ça manque, la nuit on se lève on se dit “merde j’ai entendu un "pin pon" pourquoi on m’a pas appelé ?” Y’a un trou, il manquait quelque chose, ça n’allait pas. » Alors en 2004, Christian Oury rechute, en manque de ce qu’il appelle sa « drogue ». Cette fois-ci, à la Croix Rouge, où il devient directeur local de l’urgence et du secours à Strasbourg. « C’est l’esprit pompier adapté à la Croix Rouge. » Le 28 novembre, il assure un poste de secours au stade de la Meinau avec 23 autres bénévoles de l’association. Une spectatrice est victime d’un malaise cardiaque. Le secouriste tente de réanimer la femme âgée de 62 ans, une connaissance, en vain.

YANNICK WECKNER

Bénévole à la Fédération française de sauvetage et de secourisme depuis deux ans et demi

Yannick Weckner passe son premier brevet de secourisme à 16 ans. Il y a deux ans et demi, il renoue avec sa passion et s’engage à la Fédération française des sauveteurs secouristes (4). Depuis, l’agent de sécurité incendie passe ses week-ends à insuffler et à réanimer. « Au moment où on reçoit l’appel radio pour nous dire qu’on va intervenir pour x raisons, l'adrénaline monte d’un coup (…) ça devient une drogue. » Yannick Weckner se souvient dans les moindres détails de son premier poste de secours, à la foire de voitures anciennes de Lipsheim. Ce jour-là, la radio a sonné à 12 h 15. « J’ai l’impression d’avoir la scène encore devant les yeux. »

LILIANE OUMEDJKANE

Bénévole à la Croix-Rouge depuis six ans

Liliane Oumedjkane a fêté ses 69 ans cet automne. Un détail évoqué par hasard. Avec son accent du Sud, l’« Alsacienne d’adoption » préfère parler des autres. Le 3 octobre, elle était à Saint-Martin, au chevet des sinistrés de l’ouragan Irma. La bénévole fait partie de la deuxième vague de secouristes français à s’être rendue sur place. Elle s’est envolée le 25 septembre, accompagnée de deux autres membres bas-rhinois de la Croix Rouge (5). Sur place, les bénévoles prodiguent des soins dans des infirmeries de fortune, distribuent de l’eau et des denrées. « On repart avec le ressenti de ne pas avoir fait assez. » Retraitée du monde hospitalier, elle fait partie de l’unité locale de Schiltigheim - Bischheim – Hoenheim depuis six ans.

Auberie PERREAUT avec Marie BERTHOME et Julie MUNCH

(2) Voir aussi : Une journée en caserne

(3) Voir aussi : Ranger les rangers

(4) Voir aussi : Le secourisme dans la peau

(5) Voir aussi : Bénévolement vôtre

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