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Une journée en caserne

Carnet de bord d’une journée avec les sapeurs-pompiers du centre d’incendie et de secours de Molsheim.

07h00

Premier rassemblement, début de la garde. Quatorze sapeurs-pompiers sur les rangs, un infirmier volontaire, un capitaine. L’équipe est encadrée par un adjudant. À lui de procéder à l’appel et à la distribution des tâches et des missions de la journée.

Précision du capitaine Claude Boehm :

« En journée, l’équipe des sapeurs-pompiers est composée à 90 % de professionnels. Les équipes changent toutes les semaines, chaque vendredi à 19 heures. »

Les pros du Centre d’incendie et de secours (CIS) peuvent être affectés à d’autres casernes de la compagnie de Molsheim quand elles n’ont pas assez de volontaires pour assurer la sortie d’un véhicule.

Petit-déjeuner collectif.

Le capitaine est intransigeant sur ce rituel matinal. « Je ne veux pas que mes hommes partent le ventre vide en intervention. »

07h30

Réveil musculaire Dans l’une des deux salles de sport du centre, les sapeurs-pompiers font des exercices d’étirement.

Un exercice instauré par Claude Boehm, pour éviter les blessures dès le début de la journée.

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07h45

Vérification et nettoyage des 26 engins (véhicules incendie, sanitaire, de commandement, …).

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Chaque véhicule est contrôlé, vérifié, nettoyé pour être prêt en cas d’intervention. L’alerte peut sonner à n’importe quel moment, il faut que le matériel soit opérationnel dès la prise de la garde.

L’adjudant-chef Serge Knaub teste l’EPA (Echelle pivotante automatique), la grande échelle, un engin neuf livré en octobre dernier. Il y a une certaine fierté à disposer d’un tel matériel dans une caserne.

« C’est un boulot de rêve, on conduit des engins de fous ! On travaille dans des conditions extrêmes, avec des outils ultraperformants. »

Le sergent-chef Jean-Philippe Goncalves assure la maintenance des bouteilles d’air comprimé : « On est bardé de procédures, même pour changer le rouleau de PQ. Mais bon, c’est pour notre sécurité. »

08h35

Réunion de tous les hommes de garde. Attribution des tâches pour l’après-midi. Le sergent-chef Goncalves est affecté à la cuisine pour le groupe.

Lorsque les pneus neige manquants à l’arrière d’un véhicule sont évoqués, un petit dialogue s’engage :

« C’est pas très grave…

- Oui, mais si on doit monter sur un col et qu’il y a de la neige ?

- Le col de l’utérus ? (Rires) »

Finalement les pneus seront changés.

Thomas Duc, sapeur de 18 ans :
« Petite question : moi, du coup, je ne vais pas à la piscine ?

- Non t'es puni. Il faut réviser les échelles.

- Ah oui, c'est vrai. »

08h45

Fin de la réunion.

Courte pause, le temps d’un café. Les moments de coupure sont rares et brefs. Il y a tout le temps quelque chose à faire : un rapport d’intervention à terminer, le sac pour la piscine à préparer...

09h00

APS Natation. Deux tiers de l’effectif part à la piscine.

Dans le bureau des opérations, le sergent-chef Franck Distel prépare les plannings pour la semaine. Il doit trouver un remplaçant à un sapeur-pompier professionnel détaché ce jeudi.

Le sapeur-pompier affecté à l’ambulance est resté à la caserne et s’échauffe en salle de musculation : « C’est toujours quand ils sont dans l’eau que l’alarme sonne, alors je garde mon corps échauffé en cas d’intervention. »

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09h16

Arrivée à la piscine.

Ils commencent par quelques longueurs puis rapidement la majorité s’arrête pour barboter et papoter.

Beaucoup ne nagent pas de l’heure. « Quand il y a pas de chef pour obliger. »

L’adjudant-chef, « lui, il aime nager ». L’ancien nageur-sauveteur enchaîne 1 000 mètres de longueurs puis sort le mannequin. Il enseigne les techniques pour sauver une personne de la noyade à un jeune sapeur-pompier (JSP) venu effectuer son stage de 3ème au CIS.

10h30

Sortie de la piscine.

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11h10

Manœuvre de garde : désincarcération. Départ pour mettre en situation le JSP dans la voiture : le sergent-chef Grégory Martin gère l'exercice et donne quelques consignes au jeune : « Alors t’as mal à la nuque, des picotements dans les jambes. » Un temps de pause et il ajoute « et t’as un peu bu ».

En se rendant sur les lieux de l’exercice, Grégory Martin raconte une anecdote pour illustrer la dureté du métier : « Quand un nouveau pompier est confronté à son premier mort, on mange des pâtisseries pour son “baptême”. Une secrétaire commence à plaisanter et je lui dis “tu sais que tu manges des éclairs sur un macchabé ?” Elle a tiré une tronche, mais bon après ça allait. »

Pendant l’exercice, les pompiers essayent une nouvelle méthode de désincarcération : le « cross raming ». Au lieu de découper la tôle et d’extraire la victime, ils redonnent à la voiture sa forme d’origine, grâce à des vérins, pour sortir le blessé. Cette technique, pas encore maîtrisée, donne lieu à quelques approximations, sous les regards du chef d’exercice et du capitaine.

11h49

Première intervention de la journée.

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Une urgence vitale à Molsheim, pour le transport d’une victime jusqu’à l’hôpital en Véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), accompagné d’une Voiture légère infirmier (VLI). En pleine manœuvre, les bips d’alerte se mettent à sonner. Les équipiers du VSAV et l’infirmier quittent le lieu d’exercice. Les autres continuent leur tâche, imperturbables. Le capitaine réorganise rapidement les hommes pour pallier l’absence des pompiers partis.

On parle parfois de « clients » pour décrire des personnes qui appellent régulièrement le 18, plusieurs fois par semaine, voire par jour. « Il y a des appels qui sont parfois des bricoles. Mais il faut toujours intervenir et lever le doute. »

12h05

Fin de l’intervention et retour en caserne.

Alors que les pompiers sont rentrés à la caserne, le capitaine Boehm et le sergent-chef Martin discutent sur le terrain de la manœuvre. Ils surveillent l’enlèvement de la voiture éventrée qui a servi à l’exercice : « Avec cette boue va y avoir du nettoyage de véhicule », juge le sergent-chef.

« Ah ça, ils vont t’en vouloir ! », répond le capitaine.

Martin raconte une nouvelle anecdote : « Un jour, le gars a confondu la carcasse avec la voiture d’un gars. Coupé en deux le véhicule ! Y’avait sa caisse à outils à l’arrière, un autre pompier la récupère. On lui dit : “Tu peux au moins laisser les outils au propriétaire…” »

12h25

Nettoyage du camion et de la cour arrière.

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12h30

Pause repas.

Au menu : pâtes à la bolognaise et yaourt à la cannelle sur un lit de quetsches.

Arrivée de quelques sapeurs-pompiers volontaires (SPV) qui saluent les gens attablés.

Serge Knaub :
« Il aime pas cuisiner. »

- Alors qui c’est le meilleur cuisinier ?

- Bah moi je peux pas me prononcer… (sourire) »

Anthony : « T’as dépassé le budget »

Goncalvez : « Oh vous faites chier ! Vous m’avez dit d’acheter du fromage ! Je fais plus les courses moi... »

13h30

Nouveau rassemblement.

Débrief exercice de manœuvre.

Carrefour technique : qu’est ce que la décharge de responsabilité ?

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Le capitaine adresse quelques reproches : « Un objet traînait par terre. Heureusement, personne n’a marché dessus, mais ça a mis du temps avant que l’un d’entre vous ne le ramasse. Ensuite, tout le monde a piétiné un câble d’alimentation, c’est pas possible ça, les gars ! Et surtout vous arrêtez de parler, vous suivez la ligne décidée, on ne donne pas son avis. »

Le capitaine propose de répéter les procédures. « Si quelqu’un vous appelle après avoir vu son voisin “tout pâle et en sueur”. Arrivé sur place, ce dernier refuse de vous ouvrir. Que faites-vous ?

- C’est un cas de merde

- On négocie avec lui à travers la porte

- On repart

- On attend la police pour qu’elle ouvre

- Claude B : Ah, la police a le droit de forcer la porte ?

- Freddy : mais non…

- Donc ça sert à rien d’appeler la police », conclut le capitaine.

« Et si c’est une TS (tentative de suicide) ? enchaîne Claude Boehm.

- Serge K : une fois le gars m’a dit “entrez pas sinon je me plante un couteau dans le ventre. On est entré, il s’est planté. On peut rien y faire nous si le gars a décidé (rires)”.

- Un sous-officier : C’est la sélection naturelle, on peut pas forcer les gens à rester vivants.

Claude : « Vous êtes appelés pour un nid de guêpes, on en a eu pas mal cet été. Vous savez que la baie vitrée va casser lors de votre intervention. Qu’est-ce que vous faites ?

- Serge K : On fait signer une décharge à la personne.

- Claude B : On fait toujours signer une décharge aux gens. S’ils ne veulent pas, on repart. Ils rappelleront quand ça deviendra grave. »

14h00

Fin de réunion.

L’adjudant donne les tâches à réaliser jusqu’à 15h.

Travaux de « casernement », rédaction de rapports administratifs, nettoyage des communs et rangement des bureaux pour la visite du directeur adjoint.

Dans le hall d’entrée, certains sapeurs-pompiers tentent d’installer le bonhomme de neige gonflable, en vain.

La caserne est décorée pour les fêtes : un sapin trône dans la cafétéria, un père Noël est suspendu dans les escaliers. La caporale Sonia Guinnebert, seule sapeur-pompier professionnelle femme du CIS, s’est occupée de toutes les décorations.

14h46

Deuxième intervention de la journée : cinq sapeurs-pompiers envoyés à Entzheim pour une intervention sur la voie publique, sans urgence vitale.

15h46

Troisième intervention de la journée : secours à personne à domicile avec UV, VSAV et VLI.

L’infirmier volontaire Jean-Baptiste Dewier part en intervention. À chaque fois, il retire ses baskets et enfile ses rangers avant de grimper dans le véhicule.

16h00

FMPA (Formation de maintien et de perfectionnement des acquis) exercices échelles et grande échelle : l’objectif est de « se maintenir à niveau ».

Visite du directeur adjoint.

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16h36

Fin de la deuxième intervention.

16h40

Fin de la troisième intervention.

17h39

Quatrième intervention :

secours à personne en direction de Saverne, mobilisant UV et VSAV.

18h00

Certains profitent de la dernière heure de garde pour faire des exercices de musculation ou de cardio en salle. D’autres discutent au secrétariat, remplissent les feuilles de retour d’intervention.

19h00

Passation des consignes aux dix volontaires de la garde de nuit.

Fin de la garde de jour. Le fonctionnement est différent selon les CIS : à Strasbourg, les gardes sont de 24 heures (contre 12 heures à Molsheim), suivies de 48 heures de repos. Certains reconnaissent que ces horaires permettent au groupe de mieux se connaître, d’être plus soudé. « Ici, on a moins le temps de se côtoyer. Parfois, on ne se voit pas pendant un mois. »

Pas de réveil musculaire pour les SPV : « Nous, on a bossé toute la journée déjà, nos muscles sont bien réveillés. »

19h10

Vérification des véhicules.

19h31

Fin de la quatrième intervention.

20h00

Veille.

Réunion mensuelle de l’Amicale de Molsheim.

Certains volontaires se mettent à leur séance de sport du soir.

21h03

Intervention à Mollkirch avec un VSAV et un VLI.

Des volontaires se préparent à manger avant d’entamer leur garde.

D’autres étudient ou lisent dans leur chambre.

Mollkirch ne fait pas partie de l’UT de Molsheim mais de celle d’Urmatt. Si les pompiers de la caserne interviennent, c’est parce que la caserne de Mollkirch a déjà sorti ses véhicules, ou n’a pas assez de pompiers disponibles.

Changement d’ambiance, les couloirs deviennent déserts. « Le soir, c’est pas pareil. On ne dîne pas ensemble, on se voit moins. Certains ont mangé avant de venir, d’autres amènent leur gamelle. Il y a aussi ceux qui vont prendre une pizza ou quelque chose au fast-food. Les gars sont dans les bureaux, l’infirmier de nuit, lui, reste dans son local, d’autres dorment. »

L’équipe du jour est, en majorité, rentrée chez elle depuis plusieurs heures. Le capitaine sort de la réunion de l’Amicale et partage une pizza au réfectoire : « Ici, je ne peux pas compter mes heures. »

Texte et photos : Marie BERTHOME, Tanguy LYONNET et Auberie PERREAUT

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