Mon secouriste mal-aimé

« On ne peut pas encore parler de découragement, mais on s’interroge », résume Cédric Hatzenberger, secrétaire général du syndicat de pompiers FO du Bas-Rhin. Les agressions de pompiers ont augmenté de 14 % dans le département en 2016, légèrement en deçà de la moyenne nationale (+ 17%) (1). Certains exemples ont marqué les esprits : coups portés avec une barre de fer à Roubaix en décembre, jets de cocktail molotov en octobre dernier sur un véhicule à Nîmes... Dans certaines rues, mieux vaut entrer en marche arrière avec le camion anti-incendie : « Comme ça, on peut repartir le plus vite possible. On a changé notre façon d’intervenir, on fait plus attention », explique Cédric Hatzenberger.

« Cela commence à peser sur le moral des pompiers, tout doucement, malgré notre mentalité de grands gaillards et l’esprit militaire, très corporatiste. C’est surtout l’incompréhension qui règne, face à une jeunesse qui n’hésite plus à en découdre. Quelqu’un pourrait être grièvement blessé un jour », redoute le syndicaliste. Le coût de ces agressions est déjà élevé, avec un montant estimé à plus de 280 000 € de dommages matériels, notamment sur les véhicules, pour toute la France en 2016, soit une augmentation de 183% par rapport à 2015 (2).

Pour expliquer cette vague de violences à l’égard des pompiers, le syndicaliste évoque des « personnes mal renseignées », pour qui l’uniforme, les grades et les gyrophares sont tout de suite assimilés aux forces de l’ordre : casser du pompier, c’est un peu casser les institutions de l’État. Cette violence s'ajoute à celle, plus quotidienne peut-être, des victimes auxquelles les pompiers viennent porter assistance. Des personnes désorientées, alcoolisées ou sous l’emprise de drogues, susceptibles de se montrer agressives.

Des associations en mal de reconnaissance

Malgré tout, les pompiers jouissent encore d’une grande popularité et leur contact avec les citoyens, positif ou négatif, reste largement médiatisé. Au contraire, les membres des associations de sécurité civile souffrent de travailler dans leur ombre et peinent à exister aux yeux du grand public. « Parmi la population, on est absolument pas reconnus car les services de l’Etat minorent le rôle des associations », estime Yves François, président de l’association départementale de Protection civile du Bas-Rhin (3).

Une fois l’agrément délivré aux associations, le soutien de l’État et des autorités locales, notamment de la préfecture, se fait discret - voire absent. « Il y a une concurrence avec ses services, les pompiers par exemple, continue-t-il. Mais le ministère de l’Intérieur commence à entrevoir l’intérêt qu’on peut représenter : par exemple, le soir du 13 novembre 2015, certains bénévoles de la Protection civile étaient sur place et ont pu aider au tri des blessés. »

Un manque de reconnaissance qu’Yves François attribue au statut d’association, souvent assimilé à un certain amateurisme : « Nous savons qu’on travaille pour la population, on passe outre ce manque de reconnaissance, mais c’est compliqué à comprendre pour les bénévoles sur le terrain. Ils se demandent pourquoi on n’est jamais invité aux cérémonies de remerciements. » Ce ressenti s’explique aussi par la méconnaissance du public, qui a tendance à les confondre avec les forces de sécurité et à penser - à tort - que ces bénévoles sont payés pour leur activité.

La gratitude du public n’a pourtant pas encore disparu. Comme le souligne Michèle Rivera, présidente de la Croix Blanche du Bas-Rhin : « On a une reconnaissance des gens, qui nous disent souvent "On est en sécurité puisque vous êtes là". » Par exemple, le service d’accompagnement des personnes à mobilité réduite mis en place par son association au Zénith de Strasbourg est apprécié. « On les accueille en bas à la porte, on les emmène en ascenseur avec leur accompagnant jusqu’à l’étage et là-haut ils sont pris en charge, ils ne sont pas livrés à eux-mêmes. »

Une aide pour laquelle les secouristes ont parfois un retour reconnaissant. « Dernièrement, on a reçu un chèque pour l’association de Barr : dans une enveloppe, adressée aux “secouristes français Croix Blanche”. J’ai ouvert en me demandant ce que c’était. Quelqu’un avait mis un petit mot sur une feuille de papier calligraphe pour nous remercier de notre prise en charge de sa fille lors de la course des châteaux à Ottrott, avec un don de 100 € », sourit Michèle Rivera. Quelques petits gestes, pour ne pas que la vocation s’effrite.

Léa SCHNEIDER