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Conciliation: Parlement et Conseil en tête-à-tête


24 décembre 2007

Lorsque le Conseil et le Parlement européen n'arrivent pas à se mettre d'accord sur un texte, il existe un dernier recours: la conciliation. C'est la seule fois dans la procédure législative qu'ils se rencontrent directement.

Le Parlement européen et le Conseil, face à face pour légiférer. Le soir du mardi 21 novembre, un comité de conciliation se réunissait à Bruxelles, dans le bâtiment Spinelli du Parlement. L'enjeu: trouver un terrain d'entente sur l'initiative «Inspire» qui vise à doter l'Union d'une meilleure cartographie pour appuyer ses politiques, notamment dans l'environnement. Codifiée en 1999 dans une déclaration commune du Parlement, du Conseil et de la Commission, la conciliation constitue l'ultime recours pour «sauver» un projet législatif en codécision après le rejet de la position commune du Conseil par le Parlement européen en seconde lecture.
Particularité de cette procédure: elle oblige les membres du Conseil à négocier en tête à tête avec les parlementaires. D'un côté, les représentants des 25 Etats membres dirigés par le président en exercice du Conseil. De l'autre, une délégation d'eurodéputés sous la houlette d’un des vice-présidents du Parlement. La Commission européenne est aussi de la partie, mais uniquement pour favoriser le rapprochement des positions du Parlement et du Conseil. La soirée débute justement par un trilogue dès 19 heures, avant de se poursuivre par une réunion des deux délégations, chacune de leur côté.

Des négociations en amont

En réalité, la conciliation a commencé plusieurs semaines avant le comité. «Tout le travail est fait en amont avec des trilogues formels ou informels et des discussions de chaque côté, confirme un diplomate. C'est parfois usant pour les représentants des Etats membres car le Parlement défend ses amendements jusqu'au bout.» La plupart des points de discordes ont déjà été réglés. Pourtant, quand la soirée de conciliation débute, «rien n'est joué à l'avance», précise Erna Hennicot-Schoepges, membre de la délégation parlementaire. «Les deux délégations discutent séance tenante, explique cette ancienne ministre luxembourgeoise qui a déjà participé à des conciliations dans l'autre camp. Et le rapporteur négocie avec le Conseil pendant les interruptions entre deux réunions.»
Ces interruptions sont l'occasion de discussions de couloirs entre parlementaires et représentants du Conseil. Des rencontres informelles qui permettent de se renseigner sur les derniers points de blocage. Les membres de la RP approchent les eurodéputés pour que la position de la délégation parlementaire évolue dans le sens des intérêts français: «Nous discutons avec eux longtemps à l'avance car il ne faut pas attendre de miracle au moment du comité de conciliation, précise un fonctionnaire. C'est plus efficace avec les parlementaires français. Avec les autres nationalités, il est plus difficile de savoir si notre message est bien passé. En tout cas, mettre la pression sur les députés serait contre-productif.»

Le Parlement s'affirme

L'horloge affiche 23h45 dans les couloirs du bâtiment Spinelli. Finalement, les délégations du Conseil et du Parlement auront eu besoin de deux réunions pour parvenir à un compromis. Les derniers amendements qui posaient problème sont retirés, le comité de conciliation peut enfin commencer. Cette grand' messe rassemble l'ensemble des protagonistes de la soirée pour une ultime réunion qui tourne à la séance d'auto-congratulations et ne dure qu'une dizaine de minutes. «Dans les faits, le comité de conciliation ne fait qu'entériner l'accord obtenu plus tôt dans la soirée, explique un diplomate français. Les Etats et les députés qui étaient contre ne prennent pas la parole.»
Les présidents de chaque délégation rappellent les termes de l’accord. L'épilogue d'une longue soirée de négociations qui n'a pas manqué d'agacer certains représentants du Conseil: «Inspire n'a pas été un dossier où les parlementaires ont prouvé l'intérêt d'aller jusqu'en conciliation, persifle un diplomate français. Un tel projet aurait dû passer dès la première lecture.» Un eurodéputé n'hésite d’ailleurs pas à reconnaître que «la conciliation est une occasion pour le Parlement européen d'affirmer son pouvoir, sa force.»
Au Conseil de se faire une raison: les parlementaires sont prêts à aller jusqu'au bras de fer pour obtenir davantage.

Matthieu David

 

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