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Un Président tunisien déterminé et optimiste


06 février 2013

C’est quelques heures après l’assassinat d’un haut responsable de l’opposition tunisienne que le Président Moncef Marzouki s’est adressé au Parlement européen mercredi, dans un discours mêlant détermination et émotion sur la transition démocratique en Tunisie.

Il n’y a rien à craindre des révolutions arabes car elles sont démocratiques. C’est le message porté par le Président tunisien Moncef Marzouki, mercredi, au Parlement européen. Un message qui prend une résonnance particulière, quelques heures seulement après l’assassinat d’une figure de l’opposition tunisienne laïque.

Cet « assassinat odieux d’un leader politique que je connais bien […], aujourd’hui, sachant que je m’adressais à vous, c’est une menace, c’est une lettre qui nous a été envoyée, mais qui ne sera pas reçue », a lancé le Président tunisien Moncef Marzouki, en réaction à l’assassinat, mercredi matin à Tunis, de Chokri Belaïd, chef du parti des Patriotes démocrates.

« Tout ce processus de démocratisation de l’Etat et de la société […] se révèle être plus difficile, plus complexe et surtout plus long que prévu. Mais il avance », a-t-il poursuivi. Le président tunisien a concédé que les révolutions arabes peuvent « poser à l’Europe de sérieux problèmes », en termes de sécurité, de désordres, d’immigration mais aussi de menace de l’extrémisme islamiste armé dans la région.

Une coalition menacée, un projet de constitution contesté

Mais le chef d’Etat tunisien a toutefois affirmé que « ces révolutions sont d’abord et avant tout des révolutions sociales et démocratiques (...) ce ne sont pas des révolutions nationalistes et xénophobes ». Moncef Marzouki a insisté sur l’intérêt de la coalition actuelle entre « laïcs modérés et islamistes modérés » afin que toute la population, traditionaliste comme moderniste, se retrouve dans cette transition.

« Ce gouvernement fonctionne », a lancé le Président, soulignant le retour de la croissance économique en 2012. « Mais ce gouvernement dysfonctionne, par tous les conflits personnels et politiques propres à toutes les coalitions », a concédé Moncef Marzouki, alors même que son parti, le Congrès pour la République (CPR), menace de faire éclater le gouvernement si les deux autres membres de la coalition, dont les islamistes d’Ennahda, ne s’accordent pas sur le remaniement ministériel en cours.

C’est avec le même « esprit de consensus » que l’Assemblée tunisienne rédige « depuis des mois la constitution d’un Etat démocratique et civil ». Une Constitution dont le second projet dévoilé en janvier fait déjà l’objet de nombreuses contestations, concernant l’égalité homme-femme, la liberté d’expression ou encore l’indépendance de la justice.

Pour une Cour constitutionnelle internationale et une Union Maghrébine

Le Président tunisien a par ailleurs évoqué son projet, approuvé par l’Union africaine à Addis-Abeba la semaine dernière, d’une Cour constitutionnelle internationale, « une instance supranationale chargée de statuer à partir de la déclaration universelle des droits de l’homme et des pactes et traités internationaux, sur la validité d’une élection, ou la concordance d’une constitution nationale avec les standards internationaux ».

Moncef Marzouki a également exprimé le vœu que l’Europe redonne une place à la langue et à la culture arabe, avant d’avouer son rêve de voir un jour se créer une Union maghrébine sur le modèle de l’Union européenne.

C’est dans ce contexte politique tendu d’une transition démocratique en cours que le Président tunisien a tenu un discours régulièrement applaudi et non emprunt d’émotion. « J’ai rarement vu mes collègues pleurer ensemble », a confié le président du Parlement européen Martin Schulz, lors de la conférence de presse qui a suivi la séance. Une séance solennelle conclue par une minute de silence en hommage à celles et ceux qui ont perdu leur vie « pour la liberté de la Tunisie ».

Gaëlle Henry

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