07 février 2013
En 2014, les citoyens européens auront un véritable impact sur la désignation du président de la Commission européenne. Les europartis se préparent déjà à aborder ce rendez-vous.
Pour la première fois en 2014, et conformément au Traité de Lisbonne, les élections européennes seront étroitement liées à la nomination du président de la Commission . Le traité précise que le successeur de José Manuel Barroso sera nommé "à la lumière" du résultat du scrutin de mai 2014 et "élu" par le Parlement. Dans les faits, la figure de proue de l'europarti arrivé en tête aura de grandes chances d'être le futur président de la Commission. Encore faut-il trouver ce timonnier. Au sein de chaque famille politique on cherche le candidat idéal. Notoriété internationale, incarnation, passé européen,... Les conditions à remplir sont nombreuses pour les éventuels prétendants. Tour d'horizon à un an et demi des échéances électorales.
Au PPE, un ancien chef d'Etat ou de gouvernement pour candidat
« Il y aura un véritable engouement des citoyens pour les élections de 2014 », se félicite Alain Lamassoure. L'ancien ministre des gouvernements Balladur et Juppé affiche son optimisme concernant les échéances électorales de l'année prochaine. Le président de la commission des budgets du parlement européen se dit d'ailleurs « très favorable » au nouveau système. Pas étonnant puisque il est l'auteur de la formule qui lie résultats du scrutin et choix du président de la Commission. Il n'hésite d'ailleurs pas à qualifier le rendez-vous de l'année prochaine de véritable « législative européenne ».
La longue marche vers 2014 a commencé en janvier dernier lorsque se sont réunis chefs d'Etat et de gouvernement, commissaires et caciques parlementaires européens et nationaux affiliés au PPE. Une nouvelle rencontre, prévue le 24 mars, devrait arrêter le calendrier de désignation du candidat porte-drapeau. Les mois suivants seront consacrés au débat d'idées. L'état-major de cette droite europhile, qui s'attend à des « élections très difficiles », hésite encore quant à la position à tenir face à la montée des populismes européens. Inclure ou exclure?
Le candidat choisi, c'est décidé, devra mener campagne dans les 27 pays de l'Union. « Il faut quelqu'un qui ait de l'ampleur », souhaite un haut responsable du groupe au Parlement européen. Mais qui ? Le nom de Michel Barnier, actuel commissaire au marché intérieur et aux services, circule, comme celui de Viviane Reding, son homologue à la justice. La commissaire luxembourgeoise s'est d'ailleurs rendue mardi soir à la réunion du groupe à Strasbourg. Cette présence en dit long sur ses ambitions, souligne un autre élu. « Une commissaire à la réunion de groupe des parlementaires, c'est un peu la cerise sur le gâteau », sourit-il. Selon un ténor du parti, le chef du gouvernement polonais, Donald Tusk, serait à l'heure actuelle le candidat « le plus sérieux ». Mais « tout reste ouvert », avertit un autre eurodéputé. Cependant, avoir été chef d'Etat ou de gouvernement fait désormais figure de critère nécessaire. Toujours est-il que rien ne devrait être décidé avant l'automne.
Le mandat de José Manuel Barroso arrive à terme en juin 2014. Le nom de Donald Tusk, le chef du gouvernement polonais, est évoqué pour prendre la succession. (Crédits: Commission Européenne)
Martin Schulz candidat du PSE, à moins que...
Comme le PPE, le parti socialiste européen (PSE), dont beaucoup prédisent qu'il peut créer la surprise et l'emporter lors du scrutin de mai 2014, s'est engagée à désigner son candidat à la présidence de la Commission. Le mouvement social-démocrate souhaite en faire un argument de mobilisation, en expliquant aux électeurs européens que leurs voix comptent désormais dans la désignation du futur chef de l'exécutif de l'UE. Si l'hypothèse de primaires a été envisagée, elle semble aujourd'hui oubliée. Notamment parce que la gauche européenne a un candidat naturel : Martin Schulz.
L'actuel président du parlement européen « a vraiment envie d'y aller », confie un proche. L'Allemand dispose des compétences et de l'entregent européen, lui qui a été élu député pour la première fois en 1994. Sa renommée est aussi un atout. « La notoriété ne fait pas tout », tempère Catherine Trautmann, qui souhaite un « jeu ouvert » dans la désignation du candidat de la gauche. Si l'ancienne ministre du gouvernement Jospin concède que Martin Schulz a un « impact européen » et qu'il a été « très bien accueilli » à l'université d'été du PS l'an dernièr, elle souligne que l'issue des élections législatives allemandes de 2013 sera importante.
La frontière droite/gauche outre-Rhin est plus poreuse qu'en France. Et il n'est en effet pas impossible que le SPD (centre-gauche) conclue une alliance de gouvernement avec les conservateurs CDU/CSU. Un compromis qui gênerait à coup sûr les socialistes français. Autre élément-clé: bien que francophone et francophile, Martin Schulz n'en reste pas moins Allemand. Dans une Europe menée par Berlin, Paris pourrait juger exorbitant un président de la Commission allemand et proposer son propre candidat. Ou plutôt sa candidate. Ségolène Royale ? « Son nom a circulé », admet-on sobrement du côté des socialistes français.
Verts et libéraux, défaites obligatoires
Le parti Vert, comme les libéraux (ALDE) font face à un autre dilemme. Les chances de voir un futur président de la Commission issu de leurs rangs sont quasiment nulles. Les deux mouvements s'attendent d'ailleurs à perdre des sièges par rapport à 2009. Pourtant, profondément fédéralistes, ni l'un ni l'autre ne peuvent renoncer à participer à ce rendez-vous démocratique européen, sous peine de renier leurs fondamentaux. C'est donc vers un échec certain que se dirigeront les têtes d'affiche de ces deux mouvements. Les prétendants ne manquent pourtant pas. Chez les libéraux, deux noms ressortent. « Ce sera probablement Verhofstadt », indique un eurodéputé proche de l'ADLE. Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge et actuel président du groupe au Parlement européen, serait le candidat naturel. Néanmoins, selon un membre du mouvement, il pourrait avoir d'autres ambitions européennes, à moyen terme. Une présidence de la Convention après 2015 ? La candidature de Guido Westerwelle n'est donc pas à exclure. D'autant plus que le ministre allemand des affaires étrangères souhaiterait s'engager dans la bataille.
En 2014, les Verts seront orphelin de Daniel Cohn-Bendit qui quittera le jeu politique européen. L'ancien leader de Mai 68 aurait sans doute été l'homme de la situation. Son départ n'est pourtant pas pour déplaire à certains de ses collègues. « Avec sa forte personnalité, Dany a empêché de nombreuses personnes d'émerger », déplore un membre français du groupe parlementaire. Le candidat écologiste devrait être « un Allemand ou un Français », indique un eurodéputé Vert. Personne ne sort vraiment du lot pour l'instant. On parle de Rebecca Harms côté allemand. Pour les Français, José Bové, Yannick Jadot mais surtout Michèle Rivasi pourraient briguer l'investiture écologiste.
Quoi qu'il en soit, tous les partis européens souhaitent que leur candidat défende un projet, incarne des idées. L'orientation idéologique et les choix de programmes seront donc déterminants dans la désignation des prétendants à la présidence de la Commission. Les conditions de l'expérience, jusqu'ici inédite se précieront tout au long de l'année 2013.
Benjamin DELOMBRE