07 février 2013
Le Parlement européen veut interdire de les pratiques de rejet des poissons à la mer et obliger les pêcheurs à débarquer toutes les prises. Vous y avez manifesté votre opposition. Pourquoi ?
L'obligation de débarquement est impossible. Au niveau européen, compte tenu de la taille, de l'autonomie et de l'ergonomie des navires, on est aujourd'hui incapable de tout ramener à terre. Un bateau qui part pour quatre jours va devoir revenir au bout de deux jours. Ce qui fait qu'il va consommer deux fois plus de gazole et qu'il va polluer deux fois plus. Je m'interroge sur le côté environnemental de l'affaire.
Vous êtes pourtant partisan de la fin des rejets, pourquoi le rapport de Mme Rodust vous laisse-t-il insatisfait ?
Le rapport Rodust est pavé de bonnes intentions, mais beaucoup sont inapplicables. Nos objectifs, avec Mme Rodust, sont les mêmes : préservation de la ressource et préservation des conditions économiques et sociales de la pêche. Nous essayons d'être pragmatiques.
Vous avez donc présenté un amendement qui assouplissait cette obligation. Il a été rejeté. Surpris ?
Non, mais c'est une déception. Qu'il soit rejeté aussi largement c'est dommage, même si je suis satisfait qu'une grande partie du PPE m'ait suivi. Le dogmatisme l'a emporté sur le pragmatisme. Je pensais qu'une partie des libéraux et les conservateurs nous auraient suivis. Beaucoup de conservateurs écossais, irlandais et gallois sont concernés par la pêche. Il y a eu un lobbying forcené des ONG, qui a déstabilisé une partie des parlementaires socialistes, conservateurs et, pour le vote final, du PPE. C'est assez désolant.
Il était nécessaire de voter pour confier un mandat à la délégation parlementaire pour le trilogue (ndr : les négociations entre Parlement, Conseil et Commission, qui se feront dans les prochaines semaines). C'est la démocratie, je ne le conteste pas. Cela étant, notre amendement avait la vertu de se rapprocher de très près de la position du Conseil. J'en ai discuté avec la commissaire à la pêche Maria Damanaki : cet amendement était de qualité et servira sans doute de point d'appui pour les négociations.
Quels sont les effets pervers de l'obligation de débarquer ?
L'interdiction des rejets risque de créer un marché parallèle. Quand les pêcheurs vont débarquer, par exemple, à Saint-Quay-Portrieux que je connais très bien (ndr : commune littorale des Côtes d'Armor), il n'y aura pas d'usine de farine animale pour les prises à écarter... Ils vont les écouler au marché noir. Car on ne compense pas cette charge supplémentaire. Ce n'est pas prévu dans le projet Rodust et ça ne sera pas dans le Fonds européen aux affaires maritimes et à la pêche que l'on trouvera de l'argent pour payer ce traitement des rejets.
Y avait-il des alternatives aux développement des farines animales ?
Il vaut mieux traiter les rejets en amont, par la sélectivité. Pêcher mieux pour pêcher moins. Les Verts nous ont suivi sur cette affaire. C'est une des propositions que je vais faire dans le financement de la réforme, dont je suis rapporteur, c'est- à-dire donner des moyens financiers pour la recherche et l'innovation, dans le cadre de la sélectivité des engins, mais aussi pour la modernisation des navires et du renouvellement de la flotte.
Les pêcheurs de la Baltique s'accommodent bien de l'interdiction...
Il y a une grosse différence et c'est pour cela qu'on voulait une vraie régionalisation. J'ai toujours considéré que la pêche était différente entre la Bretagne, la Baltique et la Méditerranée. Prenons les pays nordiques : ce sont des pêcheries monospécifiques. Ils ne pêchent que du cabillaud ou du hareng. C'est extrêmement facile de générer des obligations de débarquement des rejets dans ce cas.
Les autres sont pour la plupart des pêcheries multispécifiques, comme en Bretagne, en Irlande, et au Portugal. Nous avons toujours des prises accessoires. Cette régionalisation n'existe pas. Mais elle aurait pu régler des problèmes.
Propos recueillis par Quentin Chillou