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Séance de nuit, plus d'interprètes que de parlementaires


04 février 2016

Les interventions d'une minute closent la première séance de chaque session plénière. Une véritable foire d’empoigne.

Lundi 1er février 2016, 23h10. Le débat sur la biodiversité vient de s’achever. La journée est terminée, du moins pour les journalistes. Pour les députés, il reste une épreuve. Les questions d’une minute. D'après l'article 163 du Parlement européen, les eurodéputés ont la parole pour attirer l'attention du Parlement sur une question politique importante… ou pas.

23h11. Sylvie Guillaume, la vice-présidente du Parlement (S&D, sociaux-démocrates), dirige cette séance. Malgré son sourire, elle prévient les irréductibles députés « Chers collègues, veuillez respecter le temps imparti, nous sommes déjà très en retard et il est tard ». Seulement une trentaine d’eurodéputés sont présents sur les 751 élus.

23h12. Sylvie Guillaume donne la parole au premier député. « Pál Csáky (PPE, Slovaquie), une minute. J’espère que j’ai bien prononcé votre nom. »

23h14. L’Italienne Isabelle Adinolfi (ELDD, eurosceptique) tacle le plus grand groupe audiovisuel italien, La Rai. Elle accuse la chaîne italienne de désinformation. Un message appuyé par des pancartes #raifascista brandies par les eurodéputés de son parti, le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo. Trois photographes italiens pénètrent dans l’amphithéâtre pour saisir cet happening… Trop tard. Les soixante secondes d'Adinolfi sont déjà écoulées. Ils ressortent bredouille.

23h15. La tribune de presse est toujours vide.

23h16.  Les élus du Mouvement 5 étoiles quittent les lieux. Plus que 19 eurodéputés présents.

 23h17. La présidente de séance refuse son premier carton bleu [procédure permettant à un député européen d'interpeller un collègue pour lui poser une question]. Pas le temps.

23h18. Plus que 18 députés. L'élu roumain S&D Viktor Negrescu essaye de prendre de la hauteur. « Nous prenons la parole dans une assemblée vide, en espérant être entendu le lendemain. » déclare-t-il un brin philosophe.

23h25. Il y a maintenant plus d'interprètes que de parlementaires dans l’hémicycle. L’eurodéputé espagnol des Verts, Josep-Maria Terricabras, théâtralise son discours. Une bouteille d’huile d’olive à la main, il se lance dans une diatribe contre le Parlement : « Pensez à nos tomates, pensez à notre huile d’olive extra vierge. En autorisant l’importation d’huile marocaine ou tunisienne, l’Union européenne détruit nos productions d’excellence. Si vous ne pouvez pas bloquer cette situation, alors ça signifie que vous êtes seulement là pour le cirque. » Un problème qui ne semble pas préoccuper outre mesure les rares parlementaires restants, qui semblent de plus en plus endormis.

23h32. Malgré l’heure tardive, Janusz Korwin-Mikke, eurodéputé polonais indépendant, est lui très en forme. Après son salut nazi en juillet 2015, il s'amuse une nouvelle fois à provoquer le Parlement, en faisant référence au débat sur la Chine qui a eu lieu quelques heures plus tôt dans l’hémicycle : « La race jaune est intelligente, elle connaît beaucoup de langue. Si elle vous a entendu, je pense qu’elle a bien rigolé ». Dans le Parlement en tout cas, personne ne rigole car plus personne n’écoute.

23h42. Plus qu'une dizaine de courageux se tiennent dans l’hémicycle. La présidente de la séance prend la parole et sonne la fin de la séance. « Pour conclure, j’aimerais remercier les interprètes, que nous avons sûrement fait souffrir ». La session plénière reprend demain, dès 8h30. Avec plus de députés.

Alexis De Azevedo et Maxime Maréchal

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