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Schengen au Parlement européen, un débat pour rien ?


04 février 2016

 

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(Dimitris Avramopoulos, commissaire européen aux affaires intérieures, mardi 2 février au Parlement européen)

 

 

 

Mardi 2 février, 120 intervenants se sont succédés pendant cinq heures dans l'hémicycle du Parlement européen. Un débat-marathon sur Schengen, l'accueil des réfugiés, et l'aide accordée à la Turquie, qui a révélé logiques nationales et clivages politiques.

 

 

 

«10 % des députés sont présents, et nous entendons toujours les mêmes phrases : “Nous avons bien fait et pas les autres“. C'est insupportable Le député allemand S&D (sociaux-démocrates) Knut Fleckenstein résume ainsi le débat du mardi 2 février dans un hémicycle clairsemé. 120 intervenants et peu de positions qui se démarquent. La mécanique des échanges semble toujours la même: à l'intervention d'un élu Vert ou GUE (gauche radicale) succède celle d'un député situé à l'extrême-droite qui l'interpelle de manière virulente. Eva Joly (Verts), s'est ainsi vue attaquée personnellement par l'Italien Gianluca Buonanno (ENF, extrême-droite) : « Et vous, Madame Joly, combien de réfugiés avez-vous accueillis puisque vous êtes si bonne? ». Attaques personnelles et petites phrases se sont multipliées tout au long des interventions.

 

Le débat avait pourtant commencé dans une ambiance cordiale, avec les discours du commissaire aux migrations et aux affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos et du représentant des Etats, Bert Koenders, le ministre néerlandais des affaires étrangères. Tous deux ont rappelé l'existence de droits fondamentaux des réfugiés. « Ceux qui fuient la guerre méritent le respect », a ainsi souligné le commissaire Avramopoulos, tout en demandant d'agir concrètement contre les passeurs et d'assurer un voyage sûr aux migrants. « Le non-refoulement fait partie des acquis communautaire et doit être défendu », a ajouté Bert Koenders. Il a également condamné les manifestations xénophobes, et appelé à en soutenir les victimes.

 

Un « théâtre de l'absurde »

 

Mais la question du non-refoulement des réfugiés aux frontières a vite été oubliée, et celle du racisme anti-migrants a été systématiquement rejetée par l'extrême-droite. Comme nombre de ses collègues, le député néerlandais ENF Auke Zijlstra, a fait référence aux agressions sexuelles du Nouvel An à Cologne, en partie attribuées à des migrants: « A Cologne, ils pillent, ils violent, il harcèlent. S'ils ne peuvent s'intégrer, il faut les renvoyer par les mêmes chemins qu'ils ont empruntés pour venir en Europe. » Du côté de l'extrême-gauche, les comparaisons avec le régime nazi sont allées bon train. Les échanges entre députés sont restés limités. L'hémicycle s'est vidé au fil des heures, les intervenants quittant discrètement la séance une fois leur prise de parole finie.

 

Ce « théâtre de l'absurde » comme l'a appelé le député espagnol Josu Juaristi Abaunz, membre de la GUE (gauche radicale) est arrivé à son paroxysme avec l'intervention du Britannique Gerard Batten (EFDD, eurosceptique). Ce dernier a profité du débat pour revenir sur l'adhésion de la Turquie en clamant qu'« un pays musulman dans l'Union européenne serait une idée folle ».

 

Lassés par un débat qui a viré au spectacle, certains députés ont toutefois fait émerger une critique sérieuse : peu importe la position du Parlement européen, la crise des réfugiés ne pourra se résoudre sans la pleine coopération des Etats membres. « C'est la septième ou la huitième fois que nous avons ce débat, a fait remarquer le député PPE luxembourgeois Frank Engel. Ce sont les Etats membres qui ne se donnent pas les moyens d'agir face à cette crise. »

 

Sarah Bos

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