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Contrôler la Troïka


25 février 2014

La commission des affaires économiques a adopté lundi soir un rapport critiquant le manque de transparence et de légitimité démocratique de la Troïka et recommandant une plus grande implication du Parlement dans les grandes décisions sur le futur de la zone euro.

Depuis le début de la crise des dettes souveraines, en 2009, l'action de la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne) a échappé au contrôle du Parlement Européen. Le rapport adopté lundi soir par la commission des affaires économiques (ECON) affirme que les profondes différences entre ces institutions auraient « mené à un manque de contrôles adéquats et de responsabilité démocratique de la Troïka dans son ensemble ». C'est pour y remédier, qu' ECON a investi le français Liem Hoang Ngoc (S&D) et l'autrichien Othmar Karas (PPE) d'un rapport d'enquête sur les activités de la Troïka dans les quatre pays de la zone euro sous assistance.

Appuyé sur des visites en Irlande, au Portugal, à Chypre et en Grèce, le rapport critique tout particulièrement l'opacité et le manque de légitimité démocratique de la Troïka.  Cette enquête de longue haleine ne fut pas aussi facile que prévue : Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, a ainsi systématiquement refusé de répondre aux questions de la commission. Du propre aveu de Liem Hoang Ngoc, le rapport se fonde sur des « informations grappillées à droite et à gauche ».

Le rapport Karas-Hoang Ngoc porte davantage sur des questions de forme que de fond, les deux rapporteurs ayant préféré mettre de côté leurs différences idéologiques. Bien qu'il reconnaisse que l'objectif immédiat d'éviter des défauts de paiements dans ces pays a été atteint, il constate aussi que la situation sociale s'est dégradée pour les populations concernées. Othmar Karas a néanmoins tenu à rappeler que ce rapport n'avait pas pour vocation de dresser le bilan de l'action de la Troïka. La Commission est invitée à mener elle même cette étude « détaillée des conséquences économiques et sociales des programmes d'ajustement dans les quatre États » concernés.

« Il serait erroné de faire de la Troïka un bouc émissaire pour tous les problèmes de la zone euro » souligne le député autrichien, rappelant au passage que cet organe informel a été créée ad hoc en 2010, alors que l'Union Européenne n'était pas prête sur le plan institutionnel à répondre à une crise économique d'une telle violence.

Pour une plus grande implication du Parlement Européen

La principale conclusion du rapport est que le Parlement devrait avoir son mot à dire dans les délibérations et décisions concernant les pays en difficulté de la zone euro, quitte à modifier les traités de l'Union Européenne dans un futur proche.

A court terme, cela signifiera rendre la Troïka responsable devant le Parlement.  Il importera d'établir des règles claires et transparentes pour définir les tâches respectives et les interactions entre les institutions formant la Troïka. Le PE veut pouvoir entendre les représentants de la Commission au sein de la Troïka avant que ceux-ci n'entrent en fonction et de manière régulière par la suite. Enfin, le Mécanisme européen de stabilité (MES) devrait devenir un instrument communautaire.

A long terme, les eurodéputés veulent créer un Fonds monétaire européen (FME), combinant les moyens financiers du MES et les ressources humaines de la Commission.

Pour les deux rapporteurs, l'adoption du texte par la commission ECON ( 31 voix pour, 10 contre et 2 abstentions ) n'est qu'une première étape. « Nous voulons que cette enquête permette de présenter un rapport crédible, pour pousser le Parlement qui sortira des urnes en mai à exercer sa mission de contrôle sur la troïka », espère Liem Hoang Ngoc. « Car jusqu’à présent, il manquait un contre-poids à l’édifice. »

Ce rapport sera soumis au vote de l'assemblée lors de la session de mars.

Arnaud salvat

 

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