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28+1 droits pour la vente à distance


27 février 2014

Comment rendre plus aisé le commerce à distance dans une Union qui comprend autant de législations de la vente que de pays ? Le Parlement a tenté mercredi une réponse en adoptant un réglement qui jette les bases d’un 29°droit de la vente, commun à toute l'Union. Après vingt ans de débats interminables, c’est l’explosion de l’e-commerce qui a permis ce déblocage.  Les députés ont néanmoins réduit sa portée en la limitant aux contrats à distance alors que la Commission européenne souhaitait étendre son champ d'application à tous les contrats transfrontaliers.

Grâce ce nouvel régime juridique du doit de la vente, consommateurs et vendeurs des 28 pays de l’Union pourraient désormais disposer d’une alternative aux droits nationaux qui régissent les transactions entre États membres. 

Si un consommateur anglais achète, par exemple, un bien en France, il est actuellement confronté à deux droits de la vente différents sans qu’il ait la possibilité réelle de savoir celui qui l’emporte. En Grande-Bretagne, il peut renvoyer le bien acheté dans les trente jours alors que ce délai n’est que de quinze jours en France. 

La faculté de recourir  d'un commun accord à un 29°droit comme alternative est censé permettre aux acheteurs et aux vendeurs de s’accorder sur un régime juridique sécurisé.  Ainsi, les consommateurs devraient avoir davantage « confiance » dans les vendeurs étrangers, ce qui entrainerait, selon le co-rapporteur italien Luigi Berlinguer : « une aide concrète pour que les ventes en ligne augmentent ».

Cette nouvelle donne juridique aurait aussi pour conséquence, toujours selon M. Berlinguer, une amélioration globale du marché intérieur européen tout en baissant les prix pour le consommateur. Tout le monde serait gagnant. Mieux, si un doute se profilait, consommateurs et entreprises pourraient revenir à leurs droits nationaux.

Si cette argumentation est exacte, s’étonne un opposant au texte, l’eurodéputé conservateur anglais Ashley Fox, « pourquoi le BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) fait-il campagne contre ? ». Pour lui, le consommateur, peu connaisseur du droit de la vente, n’aura pas les moyens de choisir le régime juridique le plus avantageux pour lui. Seul l’entrepreneur ayant la capacité d'opter pour le cadre juridique convenant au mieux à ses intérêts en aura la capacité. Le nouveau droit commun ne garantit d'ailleurs pas, d’après l’élu, le même niveau de protection pour le consommateur que le droit anglais, un des plus élevés d’Europe. 

De plus, pour la Verte Eva Lichtenberg, l’ajout de cette législation ne ferait qu’empirer l’actuel « dédale juridique » inhibant déjà le marché intérieur. L’eurodéputée autrichienne relaie indirectement les critiques adressées par l’étonnant regroupement composé du Medef,  du Fevad - Fédération e-commerce et vente à distance - et de l’association française de consommateurs UFC-que choisir qui craint, dans un texte commun, la « confusion » introduite par le nouveau dispositif. 

Malgré la large adoption du réglement, celui-ci fait donc toujours débat et il est appelé à évoluer. Son contenu pourrait changer entre son passage au Conseil et son retour au Parlement qui aura lieu après les élections avec des majorités différentes. Seul certitude, l’interminable débat autour de cette législation montre qu’il reste difficile, pour reprendre les termes de Luigi Berlinguer, de « bâtir l’Europe, en s’attaquant au quotidien » de ses citoyens. 

pierre lemerle

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