The Legend of Zelda : Echoes of Wisdom sort ce 26 septembre et devient le 21e opus de la série. Une première en près de 30 ans, le joueur incarne la princesse Zelda plutôt que Link, habituel personnage principal. Ce changement s’ancre dans une très lente évolution du monde du jeu vidéo encore très masculin.
Pour la première fois, la princesse Zelda sera un personnage jouable. Photo : Favorisxp
Cette fois, c’est Link qu’il faudra sauver. Pour la première fois de son histoire, la princesse Zelda devient un personnage jouable (hors spin-off) et surtout la protagoniste d’une série de jeux vidéo qui porte son nom depuis 1986. Cette nouveauté est sans doute liée au travail et à la détermination de Tomomi Sano. La co-réalisatrice de ce nouvel opus (avec Satoshi Terada, du studio Grezzo) devient la première femme à réaliser un jeu de la série.
S’il est certain que les jeux vidéo évoluent dans leur représentation et dans l’inclusivité des femmes, le principal frein à ces représentations reste l’absence de ces mêmes personnes dans les studios de création. Malgré tous ces efforts, le jeu vidéo ne peut représenter que ceux qui le créent. L’association Women in games rappelle qu’en 2023 dans l’industrie du jeu vidéo seulement 24 % des gens sont des femmes. Elles étaient 10,8 % en 2014.
Ce long chemin vers la parité homme-femme se traduit par une sur-représentativité des personnages masculins. En 2022, sur les 152 “major games” publiés : 61 % des personnages jouables sont des hommes contre seulement 39 % de femmes. Women in games précise que le temps de parole est deux fois supérieur pour les hommes et que près de 32 % des jeux ont un cast uniquement masculin (seulement 5 % sont uniquement féminin). Les écarts se réduisent au fil du temps dans tous les domaines, mais, à titre d’exemple, l’association estime qu’il faudra attendre encore 10 ans avant d’avoir un temps de parole paritaire.
Des personnages vraiment féminins ?
Quand on pense personnage féminin, l’un des premiers noms qui vient à l’esprit est Lara Croft, héroïne de Tomb Raider, sorti en 1996. “Lara Croft est considérée par le grand public comme le premier personnage principal non masculin dans un jeu vidéo”, expliquent Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre et Margherita Balzerani, critique d’art, dans un article publié dans la revue La clinique lacanienne. “Elle satisfait les désirs visuels des joueurs, avec son physique de "porno diva" et ses vêtements, créés pour mettre en évidence ses formes de Vivid Girl, et solliciter les fantasmes érotiques du joueur. [...] Elle est complètement subordonnée au regard du joueur, qui dispose de l’avatar comme s’il s’agissait d'une poupée japonaise”, écrivent-elles.
Lara Croft, un personnage créé par des hommes pour des hommes. Photo : Goodfon
Il devient clair que l’autre enjeu de la représentation, en plus de la simple existence dans l’univers du JV, est la manière d’être représentée, l’image donnée au personnage. Lara Croft incarne la femme pensée par l’homme pour plaire à l’homme, bien plus que dans l'espoir d'attirer un public féminin. Nombre de personnages féminins sont imaginés avec des armures, qui s’apparentent davantage à des pièces de lingerie métalliques qu’à de vraies protections, ou portant des combinaisons moulantes et révélatrices. Ces designs laissent croire que les développeurs mettent un point d’honneur à mettre en avant le corps des femmes plutôt que leur personnalité. Et empêchent les joueuses de s’identifier au personnage. Jusqu’à 35 % des joueuses affirment que les corps des femmes dans les jeux vidéo leur donnent moins confiance en elles.
Tristan Vanuxem
Édité par Lucie Campoy