Quelques mois après le décès de Simone Veil, le droit à l'avortement est-il véritablement acquis ?
En France, les polémiques liées à l’interruption volontaire de grossesse se suivent. Mercredi, Marlène Schiappa, la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, annonçait que les Interruptions volontaires de grossesses (IVG) reprendraient à la fin du mois, à Bailleul, cet hôpital sarthois qui, faute de moyen, ne proposait plus l’intervention médicale. La veille, pourtant, une déclaration dans l’émission Quotidien avait attisée la brûlante question de l’IVG : « Nous ne sommes pas là pour retirer des vies ». La flèche est décochée par Bertrand de Rochambeau, le président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof). Il n’en fallait pas plus pour rouvrir un sujet qui embrase un pays où l’IVG est, pourtant, autorisé depuis 1975.
Jeudi, deux jours après la salve, il régnait comme une atmosphère de gueule de bois au planning familial de Strasbourg. « C’est comme un retour de manivelle. On s’est tellement bagarrées pour que ces lois existent, pour que chaque femme ait le droit d’avorter en France », abonde Isabelle Mehl, conseillère au planning familial de la capitale alsacienne depuis près de 20 ans.
Mais qu’en dit la loi ? Bertrand Rochambeau le sait, rien n’oblige un médecin à pratiquer une IVG. En vertu de la double clause de conscience mentionnée à l’article R4127-18 du Code de la Santé publique, un médecin est en droit de refuser l’intervention. À condition de renvoyer sa patiente vers un autre praticien. Un vide juridique pas vraiment au goût d’Isabelle Mehl : « C’est normal, à condition que ça ne fasse pas perdre de temps à la personne. Dans certaines régions, on peut attendre trois ou quatre semaines pour un rendez-vous. Si vous êtes déjà enceinte de six semaines, cela peut engendrer des hésitations. Le temps de réfléchir, vous pouvez dépasser le délai. » En France, l’avortement est impossible après 12 semaines de grossesse ou 14 semaines d’aménorrhée, loin des 24 semaines néerlandaises.
Selon le ministère du travail, 211 900 interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées en 2016 dans l’Hexagone. Pas toujours dans la ville d’origine de la patiente. « Il faut savoir qu’à cause des délais, des Parisiennes viennent se faire avorter à Strasbourg », illustre la conseillère du planning.
Des situations disparates en Europe
Dans d’autres contrées européennes, les kilomètres ne sont pas la seule entrave pour réaliser un avortement dans la légalité. En Pologne, l’avortement n’est permis qu’en cas de viol, d’inceste, de danger pour la vie de la mère ou de malformation du foetus. Cette dernière possibilité pourrait être la cible d’un projet de loi déposé, depuis mars dernier, devant le Parlement, qui viserait à supprimer ce cas de figure.
Dans les îles méditerranéennes, le climat est plus favorable pour les touristes que pour les femmes qui désirent recourir à l’IVG. À Chypre, on ne pourra y recourir qu’en cas de viol, d’inceste ou de mise en danger de la vie de la femme ou du foetus. À Malte, l’équation est simple : l’avortement est interdit sous peine de trois ans de prison à l’égard du praticien et de sa patiente. Hors Union européenne, le schéma est similaire au Vatican et à Andorre.
Cette carte interractive présente la situation des différents pays européens en matière d'IVG, en septembre 2018. Les Etats à la légslation la plus dûre sont Malte, Chypre, Andorre, Monaco, la Pologne et le Vatican.
Nicolas Grellier et Clémentine Rigot