Le ministre des Finances a dévoilé au Parisien mardi matin son projet de loi anticorruption. La loi, appelée loi “Sapin II”, propose entre autre de lutter contre les pressions trop fortes des porteurs d'intérêt auprès de l'exécutif.
Regroupant des groupes de pression défendant des intérêts privés mais aussi ceux d'ONG ou de représentants de la société civile, les lobbyistes sont souvent pointés du doigt comme un danger pour la bonne pratique de la démocratie. Mardi matin, le ministre des Finances Michel Sapin a dévoilé au Parisien la loi "Sapin II" qui doit permettre de créer un cadre pour contrôler ces pratiques. Derrière les lobbyistes se cachent souvent de gros groupes dans tous les secteurs d'activité, de la chimie à l'agro-alimentaire en passant par les banques ou les organisations patronales.
Quel est l’encadrement législatif actuel du lobbying ?
En 2009, un premier pas est fait par l’Assemblée Nationale pour encadrer le lobbying. Le Bureau adopte "des règles de transparence et d’éthique applicables à l’activité des représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale", qui prévoient l’inscription volontaire des lobbyistes sur un registre public. Une règle qui s'applique aussi au Sénat, à l'exception près que l’inscription au registre est obligatoire. Les lobbyistes devaient également déclarer les déplacements proposés aux sénateurs à leurs collaborateurs et aux fonctionnaires et instances du Sénat. Mais, selon Transparency International, en 2012 - trois ans après l'installation du registre - seules deux invitations avaient été rendues publiques. En 2013, ce dispositif est renforcé : les rapports parlementaires doivent désormais mentionner la liste des auditions menées par le rapporteur.
L’encadrement de ces pratiques est en partie calqué sur le modèle européen. Au sein des institutions de l’Union, un registre de transparence existe également, mais plus strict. L’inscription des lobbyistes y est obligatoire, au Parlement Européen, et ces derniers doivent également déclarer la part que représente l’activité de lobbying dans le budget total de l’entreprise qu’ils représentent. Aujourd’hui, les registres publics existant au sein de l’Assemblée et du Sénat sont peu consultés par les parlementaires.
Pour autant, la loi actuelle n'encadre pas le lobbying touchant l'exécutif, à savoir le gouvernement, et notamment les cabinets ministériels.
Que prévoit le projet de loi “Sapin II” ?
Le projet de loi donne donc une définition du lobbying et de ses cibles, en particulier le président de la République et ses ministres, mais aussi ses collaborateurs et les hauts fonctionnaires.
Dans son interview au Parisien, le ministre des Finances annonce que la loi devra obliger les représentants d’intérêts à “se déclarer et s’engager à respecter un certain nombre de pratiques”. Les responsables publics ne pourront plus recevoir des cadeaux de la part des entreprises ou des industries, ni même participer à des voyages qui seraient payés par ces derniers. Les parlementaires doivent d'ores et déjà signaler leurs voyages et les cadeaux qu’ils reçoivent. Avec la nouvelle loi, les lobbies ne pourront plus proposer ce genre de petites attentions.
Les registres seront gérés par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui pourrait compiler les informations de ceux du Sénat et du Parlement. La HATVP pourra également avoir un rôle de sanction en prononçant des mises en demeure et des amendes allant jusqu’à 30 000 euros. "C'est un premier pas encourageant", modère Laurène Bounaud, responsable du plaidoyer à Transparency International, qui félicite ce projet de loi qui "offrirai une définition du lobbying" selon elle.
Une avancée qui cadre le lobbying au sein de l'executif, un domaine jusqu'ici oublié, certes, mais qui reste encore perfectible. "Tout cela est encore très parcellaire, la définition offerte par la loi n'est pas encore assez inclusive, souligne Laurène Bounaud, les collectivités locales ne sont encadrés", nuance-t-elle. De plus, si cette loi permet de rendre le lobbying officiel plus visible, elle ne prévoit rien pour lutter contre des pratiques “hors radar”, qui représentent encore une part importante des modes d’influence.
Valentin Ehkirch