Dans le cadre de la réforme de l’Etat, le gouvernement a annoncé jeudi une série de mesures pour la fonction publique. Parmi elles : plan de départs volontaires et renforcement des contractuels. Les principaux concernés sont partagés entre inquiétude et expectative.
Douche froide chez les fonctionnaires. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, a annoncé, jeudi 1er février, la création d'un plan de départs volontaires pour les agents de la fonction publique. Quant au premier ministre Edouard Philippe, il a dit vouloir étendre « largement » le recours aux contractuels et développer la rémunération au « mérite » dans l’administration. Trois mesures étudiées dans le cadre de la réforme de l’Etat, avec pour objectif la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Présenté comme un nouveau contrat social par le gouvernement, les principaux intéressés, eux, ne l’entendent pas de cette oreille.
« S’il y a un chèque au bout, pourquoi pas », déclare Sylvie, 55 ans, agent à CUS habitat, bailleur social. Arrivée dans le public il y a 20 ans, cette Alsacienne serait tentée par une retraite anticipée. Mais elle ne fait pas de son cas une généralité : « Tout dépend de l’âge, de la situation familiale, du métier ; autant de facteurs qui rentrent en compte », tempère-t-elle. Mais l’annonce d’un plan de départs volontaires ne fait pas l’unanimité. Manuel, qui travaille à la Cité administrative, ne comprend pas que l’Etat puisse donner un chèque « de sortie » à un fonctionnaire : « C’est indécent ! » Mireille, agent territorial au Département, se demande, elle, comment cette mesure sera financée.
« Nous ne sommes pas une entreprise »
Plus de contractuels, moins de fonctionnaires. L’idée fait frémir et touche à une des spécificités de la fonction publique : la sécurité de l’emploi. La mesure est à l’œuvre depuis 2008 et sur cinq millions de fonctionnaires, environ 940 000 étaient contractuels fin 2015. Des contrats qui restent précaires. « Il y a plus de CDD que de CDI maintenant », déplore Pascale, employée à l’Eurométropole. « Une plaie », complète Mireille, au Département.
Concernant la rémunération « au mérite », les avis sont plus tranchés. Si certains agents territoriaux sont récompensés par des primes, comme ce fut le cas il y a peu au Conseil départemental du Bas-Rhin, d’autres fonctionnaires aspirent à cette reconnaissance. « La grille de salaire actuelle, j’en pâtis. Je suis bloqué par mon grade mais je ne vois pas ma situation évoluer », regrette Christian, 50 ans. « Il y a une certaine discrimination aujourd’hui, les salaires ne sont pas équitables, il y a des abus », confie un autre agent de la cité administrative. Et puis, il y a les sceptiques : « Comment peut-on évaluer la productivité d’un travail intellectuel ?, interroge Thomas, 29 ans. Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne faisons pas de bénéfices. »
Indignation et incompréhension
C’est précisément cette conception entrepreneuriale de la fonction publique que redoutent les fonctionnaires. « On a l’impression qu’on veut plaquer une vision de l’entreprise sur l’Etat », regrette un fonctionnaire syndiqué de 45 ans. Le plan annoncé par le gouvernement prévoit aussi une possible évaluation des administrations qui accueillent du public (écoles, tribunaux, hôpitaux, CAF...). Des indicateurs de résultat et de qualité de service, prenant en compte la satisfaction des usagers. « Du flicage », selon Sylvie : « C’est pour mettre la pression aux gens, alors que ce n’est déjà pas facile d’accueillir le public ». L’employée de la CUS craint l’émergence d’un discours productiviste : « Ce sera à celui qui fera le mieux, qui ira le plus haut ».
Avec cette réforme, beaucoup redoutent la disparition pure et simple du statut de fonctionnaire, un statut de « bouc émissaire » : « On est un service à part, avec une caisse de retraite à part. Normal que ça fasse des jaloux, notamment dans le privé », développe Pascale devant l’Eurométropole. Pour Mireille, la fonction publique est en danger, et cela depuis plusieurs années déjà. L’Etat devrait selon elle se concentrer sur d’autres sujets : « On reproche aux fonctionnaires d’être trop nombreux. On veut supprimer des postes, alors qu’on devrait créer des emplois là où il y en a besoin, chez les infirmières par exemple ».
Si l’indignation et l’incompréhension sont de mise chez les fonctionnaires, certains restent prudents : « On ne sait pas vraiment ce qui va se passer, on n’a pas plus de détail. J’ai lu quelques articles ce matin mais je ne sais pas trop où cela va nous mener », confie une employée de la Cité administrative. Une situation incertaine et floue, dont les fonctionnaires attendent impatiemment le dénouement.
Camille Langlade
Photo : Jean-Luc Stadler