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La réforme du droit du travail, défendue par Myriam El Khomri, renforce le recours au référendum dans les entreprises et permet de passer outre le blocage de certaines organisations syndicales.
L'avant-projet de loi El Khomri n'en finit pas de faire parler. Un des nombreux points de cette réforme du droit du travail qui fait polémique est la facilitation de recourir aux référendum en entreprise. Ces mesures ont été accueillies de façon "négative" par la CFDT, la CGT parle quant-à-elle de "référendum-chantage". A l'inverse, le Medef a salué un texte qui va "dans le bon sens".
Aujourd'hui, pour adopter un accord d'entreprise, la direction doit obtenir l'accord des syndicats représentant au moins 30 % des suffrages aux élections. Mais des syndicats représentant 50 % des salariés peuvent s'y opposer. Avec ce projet de réforme, ce seuil de 30 % est relevé à 50 %, et la majorité de blocage disparaît. Mais le gouvernement a ajouté la possibilité de recourir à un référendum interne si ce dernier est demandé par une ou des organisations syndicales représentant au moins 30 % des salariés. Si l'accord est plébiscité par la moitié des suffrages exprimés, il s'applique à tous.
"La mort du syndicalisme"
France-Henry Labordère, directrice des affaires sociales à l'Association française des entreprises privées (AFEP, organisation regroupant des grandes entreprises françaises) se déclare favorable à ces référendums internes : "Evidemment, les organisations syndicales ont un rôle essentiel, mais le dialogue ce n'est pas uniquement avec les représentants du personnel".
"Le referendum est d'un côté intéressant, car il permet de la démocratie directe, mais de l'autre côté il court-circuite les corps intermédiaires", estime Bernard Gaurio, professeur de droit à l'université d'Angers. "Les partenaires sociaux ont de solides compétences en droit du travail, ils connaissent les pratiques, poursuit l'universitaire, également avocat. Les accords sont des textes souvent très techniques, il y a un risque que les salariés approuvent un accord qu'ils n'ont pas vraiment compris". En 1983, le ministre du Travail, Jean Auroux, avait d'ailleurs déclaré à l'Assemblée nationale : "Le referendum, c'est la mort du fait syndical !"
"Il y a des élections syndicales qui sont basées sur la représentativité, aujourd'hui on fait quoi de ça ?", s'interroge Didier Getrey, secrétaire general de la CFDT Métallurgie Moselle. "Les élus du personnel représentent l'intérêt collectif alors que les salariés ont, eux, un intérêt individuel", poursuit le syndicaliste.
L'exemple Smart
Didier Getrey se souvient amèrement du référendum à l'usine Smart à Hambach (Moselle). Une consultation du personnel y a été organisé en septembre 2015 en proposant aux salariés de travailler 39 heures par semaines, payées 37. En échange, la direction promettait aucun licenciement économique avant 2020. Résultat : 56 % en faveur de l'accord, mais avec une disparité avec 73 % des cadres, employés, techniciens et agents de maîtrise ayant voté contre seulement 39 % pour les ouvriers. Mais la CGT et la CFDT, fort de 53 % aux élections syndicales, avaient mis en échec cet accord. En décembre 2015, la direction a cependant réussi à négocier individuellement un changement du contrat de travail avec plus de 90 % des salariés du site. Une réussite pour les ressources humaines qui ont réussi à passer outre les organisations syndicales majoritaires.
Justin Delépine