Dans un bulletin alarmant, l’Établissement français du sang tire la sonnette d’alarme et affirme que les stocks sont inférieurs au seuil de sécurité depuis plusieurs jours. À long terme, une pénurie pourrait entraîner de graves conséquences sanitaires.
Sur la porte d’entrée, une énorme goutte de sang fait office d'ouverture. Mais ce 9 février, à peine franchi le seuil de l’Établissement français du sang à Strasbourg, la goutte prend plus des allures de gouttelette. « Vous n’imaginez pas à quel point la situation est compliquée en ce moment », souffle la personne en charge de l’accueil. Compliquée ? Même critique, à en croire le communiqué publié par l’EFS ce 8 février 2022.
En effet, pour la première fois de son histoire, l’organisme publie ce mardi un « bulletin d'urgence vitale » et appelle à une mobilisation de tous les citoyens à donner leur sang dès que possible. « Le stock de produits sanguins est en dessous du seuil de sécurité et cela depuis plusieurs jours », indique l’EFS. Les réserves actuelles ne dépassent pas 70 000 poches de sang, alors qu’il en faudrait au minimum 100 000. Ce chiffre correspond au seuil minimal, car il faut en moyenne 10 000 dons de sang chaque jour pour soigner les patients.
« Forcément des morts »
La situation « pourrait s'avérer dangereuse à court terme pour soigner les patients » précise l’EFS. Pour le moment, les établissements de soin n’ont pas encore repris leur activité normale. « Mais si le besoin en poche de sang revient au même niveau d’avant la pandémie, on risque de ne pas pouvoir subvenir aux besoins, déplore à CUEJ-info Oriane Kopp, de l’EFS Strasbourg. Aucun produit à l’heure actuelle ne peut se substituer au sang, et si les donneurs ne se mobilisent pas, on arrivera très rapidement à une situation très critique. »
Lors des attentats de 2015, la prise en charge médico-chirurgicale des nombreux blessés hospitalisés avait rapidement grignoté les stocks de poches de sang. Mais dans un élan de solidarité nationale, l’EFS avait vu son nombre de donneurs augmenter de 55 % dans le même temps. Cependant, les poches de sang récoltées sont utilisées de plusieurs manières, et pas seulement lors de graves accidents. « 30 % des transfusions sanguines sont réalisées sur des patients atteints de cancer, rappelle Oriane Kopp. Plus globalement, les poches sont réparties entre 54 % de transfusions programmées, 34 % de patients en urgences relatives et 12 % concernent les urgences vitales. »
Les effets de ce genre de pénurie pourraient s’avérer désastreux. « Sans poches de sang, on ne pourrait plus procéder à des transfusions, donc il y aurait forcément des morts » affirme l’hématologue France Campos-Gazeau, médecin au Centre Hospitalier de Haguenau. Elle redoute particulièrement l’impact pour « les patients qui ont besoin de transfusions de manière chronique ». Dans son service, au moins deux poches par jour sont utilisées. « Ce serait particulièrement grave pour les patients atteints de maladies des globules rouges, comme la drépanocytose, ou des thalassémies, des maladies génétiques liées à l’hémoglobine. »
Emilien Hertement