Les Départements peinent à boucler leur budget. Dans la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, la charge est sonnée contre le RSA.
Le RSA est dans la ligne de mire des Départements. Le Haut-Rhin a suscité la polémique en conditionnant, par un vote le 5 février, le versement du RSA à sept heures hebdomadaires de bénévolat. Le 12 février, le président de Meurthe-et-Moselle dénoncait dans une tribune au Monde le poids du RSA dans le budget du conseil départemental. Une dizaine de départements peinent à boucler leur budget, et d'autres pourraient suivre.
Qui paye le RSA ?
Le Département prend en charge le montant forfaitaire, soit le revenu minimum mensuel fixé par décret : 524,16€ en septembre 2015. Il concerne toute personne sans activité ou disposant d'un revenu inférieur au RSA.
Pour compenser ces dépenses, l'Etat reverse au Département une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Cependant, ces compensations ne couvrent pas l'intégralité des sommes versées pour le RSA, le reste étant financé par les fonds propres de la collectivité.
Cette allocation peut être majorée selon la composition du foyer : +262,08€ pour une première personne à charge (enfant ou conjoint), +157,25€ pour une seconde personne à charge. Ces majorations sont directement prises en charge par l'Etat.
Quel est le problème ?
Conséquence de la crise économique, le nombre de bénéficiaires du RSA est en hausse constante ces dernières années. Dans la grande région Acal, 27 000 bénéficiaires supplémentaires ont été enregistrés entre septembre 2010 et septembre 2015. Couplé à la revalorisation annuelle du RSA (460,09€ en 2010, 524,16€ en 2015), la charge pour le Département s'est nettement alourdie.
D'autant plus que, selon les conseils départementaux, les compensations de l'Etat ne suivent pas la hausse des dépenses liées au RSA. Ces dépenses ont représenté, en 2014, d'après l'Association des départements de France (ADF), 9,7 milliards d’euros, dont seulement deux tiers (6,4 milliards) ont été compensés par l’Etat. "Pour nous, le RSA, c’est 20 000 personnes et 100 millions d’euros en 2016, compensés à 50% seulement par l’Etat", assure Eric Straumann, président LR du Haut-Rhin.
Quelles revendications ?
Dans une tribune au Monde du 12 février, le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Mathieu Klein (PS), plaide pour une recentralisation du RSA, c'est-à-dire une prise en charge intégrale par l’Etat du financement. "Pour la seule année 2015, le reste à charge du RSA en Meurthe-et-Moselle est de 60,5 millions d'euros, soit l’équivalent des moyens consacrés à la protection de l’enfance en 2014", assure-t-il. Mais Marylise Lebranchu, alors ministre de la Décentralisation, avait mis en garde dès 2015 contre cette solution : si l'Etat reprend à sa charge les dépenses, il reprendra aussi les ressources afférentes.
A contrario de son homologue de Meurthe-et-Moselle, le président du département Eric Straumann (LR) entend reprendre la main sur le revenu minimum. Tout bénéficiaire du RSA devra, désormais, s'acquitter de sept heures hebdomaires de bénévolat dans des associations ou des établissements publics. La proposition du conseil départemental du Haut-Rhin, soutenue largement par la droite, a fait polémique. Si la légalité de la mesure venait à être contestée, l'élu menace de déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), au nom de la "libre administration des collectivités locales".
Questionné à ce sujet ce mardi 16 février, le gouvernement a déclaré attendre de "voir quelles prochaines délibérations [seront prises] dans la collectivité", avant de décider d'un éventuel déferrement devant le tribunal administratif. "Donc, le gouvernement considère qu’on ne prend pas une mauvaise direction en envisageant un travail bénévole pour permettre l’insertion des bénéficiaires du RSA", considère Eric Straumann. Pour le moment, la mesure du conseil départemental du Haut-Rhin n'est qu'une déclaration d'intention; le gouvernement préfère attendre que le dispositif envisagé soit précisé.
Malgré tout, la décision prise par le Haut-Rhin semble d'ores et déjà rejetée par le gouvernement. Celui-ci s'est cependant déclaré ouvert à une renationalisation, totale ou partielle, du RSA. Des négociations tendues se tiennent actuellement entre les départements et l'Etat. Elles devraient se conclure le 25 février lors d'une réunion avec le Premier ministre.
Jérémy Bruno