La France est convoquée à Bruxelles ce mardi pour s'expliquer sur la pollution. Comme huit autres pays européens, elle est accusée par la Commission européenne de ne pas respecter la directive de 2008 sur la qualité de l'air, et ceux malgré plusieurs rappels à l'ordre. Selon la Commission, Strasbourg fait partie des zones françaises les plus polluées. Les associations tirent la sonnette d'alarme.
« Ce sommet est encore un sommet pour rien. On est déjà très en retard. Il faut agir maintenant car d'ici 10 ou 20 ans ce sera trop tard », alerte Thomas Bourdrel, radiologue et fondateur du collectif Strasbourg Respire. En 2015, il a lancé une pétition signée par 120 médecins strasbourgeois et appelant les pouvoirs publics à agir efficacement contre la pollution en Alsace. Avec Marseille Toulon, Paris, Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse, Reims, Grenoble, Lyon, Nice et Saint-Etienne, Strasbourg fait partie des zones particulièrement concernées par des pollutions aux gaz polluants.
Le dioxyde d'azote dans le viseur
« J'ai de nombreux patients qui ne sont pas asthmatiques avant de s'installer à Strasbourg mais qui le deviennent quelques mois après leur arrivée », rapporte Thomas Bourdrel. En cause ? Les fameuses particules fines, mais surtout le dioxyde d'azote. Ce gaz toxique à l'odeur âcre et piquante appartient à la famille des NOx, « les gaz les plus nocifs pour la santé », poursuit Thomas Bourdrel. Selon ATMO Grand Est, association en charge de la surveillance de la qualité de l'air, les transports routiers sont responsables de plus de la moitié des émissions de dioxyde d'azote dans la région Grand Est. Ce constat se vérifie nettement sur les cartes réalisées par l'association : les zones en jaune suivent nettement le tracé des agglomérations et des axes autoroutiers.
Dans la région, le niveau maximal de dioxyde d'azote a été dépassé pendant huit jours sur l'année 2016.
Des conséquences lourdes sur la santé
Directement sortis des pots d'échappement de nos voitures, les NOx pénètrent profondément dans les voies respiratoires et sont à l'origine du développement de l'asthme mais aussi des bronchites chroniques. Ces gaz participent aussi à la formation des particules fines (les PM10 et les PM 2,5), qui franchissent la barrière des poumons et pénètrent directement dans le système sanguin. Elles provoquent des cancers des poumons, des accidents cardio-vasculaires et même des maladies neuro-dégénératives. Selon Thomas Bourdrel, 10 % des cancers des poumons à Strasbourg sont dus à la pollution.
Des politiques publiques jugées insuffisantes
«Cela fait dix ans que c'est comme ça. Pour l'instant, les villes s'en sortent en faisant des plans de protection de l'atmosphère (PPA) qui repoussent les échéances à cinq ans. C'est pour ça qu'il n'y aura pas de sanction de la part de la Commission européenne », déplore Thomas Bourdrel. En effet, en 2014, le PPA de l'agglomération Strasbourgeoise réalisé par la direction régionale de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement et signé par le préfet, fixe un objectif de qualité de l'air identique à ceux de la directive européenne de 2008. Mais le même PPA montre qu'autour de l'A35, à proximité de Strasbourg, les quantités de dioxyde d'azote enregistrées dépassent la valeur limite. Pour y remédier, il énonce un scénario ambitieux : « Pour obtenir des concentrations inférieures à la valeur limite, il faudrait baisser les émissions de respectivement 57% et 65%, soit une baisse de trafic d’environ 50% et 60% ». Le document ne précise toutefois pas comment atteindre cet objectif.
Pour Thomas Bourdrel il faut aller plus loin et interdire entièrement la circulation des véhicules Diesel : « Tokyo l'a fait il y a 10 ans. Résultat, la mortalité respiratoire a baissé de 22 % et la mortalité cardiaque de 11 % ». Mais malgré les incitations de l’État, la part des véhicules Diesel dans le parc automobile français recule lentement. En 2017, ils représentaient encore 47,3 % des ventes de voitures neuves.
Julie Munch