Pierre Bergé est mort, vendredi 8 septembre, à 86 ans, à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Le décès de l'homme, peu avare en polémique, a donné lieu à des hommages appuyés.
La vie de Pierre Bergé est intimement liée à celle d'Yves Saint Laurent, qu'il rencontre en 1958 et dont il devient le compagnon pendant cinquante ans. Il l'aide à monter sa propre maison de couture et est élu, en 1974, à la tête de la Chambre syndicale des couturiers. En 1986, il crée l'Institut français de la mode.
La Fondation PB-YSL et la Fondation Jardin Majorelle ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Pierre Bergé.https://t.co/LA1JSaXMiv pic.twitter.com/TciJS94iHD
— Musée YSL Paris (@museeyslparis) 8 septembre 2017
Loïc Prigent, journaliste de mode, rappelle une phrase qu'il avait prononcée à l'enterrement du célèbre couturier.
"Comme le matin de Paris était jeune et beau la fois où nous nous sommes rencontrés!"
Pierre Bergé à Yves le jour de son enterrement en 2008
— Loic Prigent (@LoicPrigent) 8 septembre 2017
Pacsé avec Yves Saint Laurent, Pierre Bergé s'était marié, en mars 2017 avec le paysagiste américain Madison Cox. Ardent défenseur du mariage pour tous, il avait pris position, en avril 2013, contre le journal Le Monde, dont il est copropriétaire, qu'il accusait de faire la pub de la Manif pour tous.
Cette pub dans #LeMonde est tout simplement une honte et ceux qui l'ont acceptée ne sont pas dignes de travailler dans ce journal. À suivre.
— Pierre Bergé (@pvgberge) 10 avril 2013
TÊTU, Actup (qu'il a largement financé), le Sidaction... Pierre Bergé a fait vivre les combats de la communauté gay en France.
— Romain Burrel (@RomainBurrel) 8 septembre 2017
Romain Burrel est journaliste aux Inrocks.
Son positionnement a aussi fait de lui une des cibles des opposants au Mariage pour tous. Son décès les laisse, au mieux, indifférents, au pire infâmes.
Pierre #Bergé aura passé sa vie à tout faire pour détruire la civilisation française et la dignité humaine. Un sale type quoi. #PierreBergé
— Kevin Bossuet (@kevinbossuet) 8 septembre 2017
En espérant que la mort de Pierre Bergé soit suivie de très près par la mort de ses idées nauséabondes... pic.twitter.com/xwnwbqgBHE
— EL ЯAFA ن (@IsrafilElRafa) 8 septembre 2017
Pierre Bergé s'est également engagé, au début des années quatre-vingts dans la lutte contre le sida, en présidant l'association Arcat Sida. En 1994, il participe, avec Line Renaud, à la création de l'association Ensemble contre le sida, qui prendra le nom de Sidaction. En 2009, il met en vente une vaste collection d'art qu'il a rassemblée avec Yves Saint Laurent. Les profits (373,5 millions d'euros) vont à sa fondation et à la lutte contre le Sida. Son engagement fervent lui a valu quelques dérapages. En 2009, il accuse le Téléthon de "parasiter la générosité des Français de manière populiste" et "d'effectuer des placements immobiliers". Bis répétita en 2016, quand il qualifie l'initiative de "vaste escroquerie".
Télethon. J'avais raison, c'est une vaste escroquerie. Le Pr Testard la dénonce aujourd'hui
— Pierre Bergé (@pvgberge) 4 décembre 2016
Même diminué par la myopathie, Pierre Bergé a continué son combat, en produisant le film de Robin Campillo, 120 battements par minute, actuellement en salle, loué par la critique et recompensé par le Grand prix du jury du Festival de Cannes.
Nommé Grand Mécène des arts et de la culture en 2001, Pierre Bergé était avant tout un amoureux des arts. Entre 1977 et 1981, il dirige le théâtre de l'Athénée puis, de 1988 à 1993, l'Opéra de Paris. Il a également oeuvré pour l'achats de tableaux au Louvre, à la rénovation de deux salles à la National Gallery de Londres ou au Centre Pompidou. Jack Lang, ancien ministre de la Culture, lui a rendu un vibrant hommage, ce vendredi 8 septembre au matin, sur Franceinfo : "Pierre Bergé était engagé sur tous les fronts, des combats pour la culture, pour la liberté. Son oeuvre est immense."
Jack Lang à propos de Pierre Bergé : "Son oeuvre est immense, et quelle personnalité !" pic.twitter.com/KiWbzAURiO
— franceinfo (@franceinfo) 8 septembre 2017
Pierre Bergé a toujours été proche des médias. Il était propriétaire du magazine homosexuel Têtu, jusqu'en 2013, a fondé le magazine Globe, disparu en 1994, et a participé à celle de Courrier international. En juin 2010, il devient copropriétaire, avec Xavier Niel et Matthieu Pigasse, du groupe La Vie-Le Monde. Et, quand il s'agit de parler des médias, il est souvent très virulent. En décembre 2014, il traite de "connard" le critique littéraire Eric Chevillard, qui a exprimé un avis négatif sur Patrick Modiano, dans le Monde des Livres.
#leMonde. Chevillard ou Cosnard? Ou le connard n'est pas celui qu'on pourrait croire.
— Pierre Bergé (@pvgberge) 8 décembre 2014
Proche du parti socialiste et notamment de François Mitterrand, il avait annoncé, en janvier 2017, qu'il soutenait Emmanuel Macron, qui lui a rendu hommage.
Il fut du côté des artistes, des opprimés, des minoritaires. En Pierre Bergé disparaît un passeur, un militant ; une mémoire du siècle.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 8 septembre 2017
Pierre Bergé n'aura pas totalement accompli son oeuvre. En octobre, il devait inaugurer deux musées Yves Saint Laurent, l'un à Paris, l'autre à Marrakech (Maroc). Si on ne sait pas encore qui reprendra ses parts au Monde, ni qui dirigera sa fondation, une chose est sûre : son style inimitable et son oeuvre resteront dans les mémoires de ses contemporains.
Timothée Loubière