Un député de la majorité propose d'interdire le cumul d'un mandat ministériel avec une fonction locale. Trois ministres sont visés dont Philippe Richert qui est à la fois président de la région Alsace et ministre des collectivités territoriales. Parmi les députés alsaciens UMP, cette idée fait débat.
Le rapport commandé par l'Elysée et rendu le mardi 14 février par le député UMP du Var Jean-Pierre Giran détaille 42 propositions pour "améliorer le fonctionnement de la démocratie locale". L'idée phare du député est d'interdire tout cumul entre fonction de ministre et fonction locale, mesure qu'il estime "indispensable".
Dans l'actuel gouvernement, trois ministres sont concernés :Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et maire de Bordeaux ; Michel Mercier, garde des Sceaux et président du conseil général du Rhône ; et l'Alsacien Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales et président du Conseil régional d'Alsace.
"Conflit d'intérêt"
Au sein même des députés alsaciens de la majorité, le cumul de deux postes importants par Philippe Richert fait débat. Michel Sordi lui-même une fonction de député de la 7e circonscription du Haut-Rhin et de maire de Cernay "ne voit pas d'incompatibilité".
Michel Sordi et Arlette Grosskost, deux députés alsaciens UMP qui ne sont pas d'accord sur le cumul des mandats (© Assemblée nationale)
"Je ne suis pas partisan d'interdire le cumul des mandats, affirme le député, ce serait une erreur". Il affirme que l'ancrage en province des élus nationaux est une bonne chose pour éviter d'avoir "d'un côté une élite parisienne et de l'autre les élus locaux". Pour lui, le cumul des parlementaires "est un excellent moyen de suivre les affaires locales. Je ne vois pas d'incompatibilité entre la fonction de parlementaire et un mandat local car cela permet de voir sur le terrain l'application des lois."
Michel Sordi prend exemple sur Philippe Richert qui "assure son travail au ministère. Il arrive à coordonner les deux fonctions. Je le vois et sur le terrain et à Paris très souvent."
"L'Alsace à tout à gagner à avoir un président de région ministre," commente de son côté Frédéric Reiss, député de la 8e circonscription du Bas-Rhin et maire de Niderbronn-les-Bains. Selon lui, "être ministre est un métier à plein temps, mais Philippe Richert est entouré de vice-prédidents pour l'aider".
Philippe Richert, président de la Région Alsace et ministre des collectivités territoriales (© Madéos)
Un avis que ne partage pas la députée UMP Arlette Grosskost qui s'oppose à tous cumul pour "des raisons d'éthique" et dénonce des "conflits d'intérêt". "C'est vrai que l'accroche territoriale est nécessaire quand on fait partie d'un exécutif régional. Mais cumuler un poste de ministre avec un poste dans un exécutif local, vous êtes forcément soumis à l'aléa des agendas ministériels. Dans ce cas, vous êtes davantage le membre d'un gouvernement que l'élu d'un territoire. C'est particulièrement visible chez nous."
La parlementaire, membre de la Commission des finances à l'Assemblée nationale va plus loin et vise directement Philippe Richert. "C'est même un conflit d'intérêt. Un ministre des collectivité territoriale qui est aussi président d'un conseil régional, si ce n'est pas la définition du conflit d'intérêt, je ne sais pas ce que c'est. Je dis cela et pourtant je suis membre de sa majorité."
80% des parlementaires sont des cumulards
La députée du Haut-Rhin évoque le projet de loi sur les conflits d'intérêt avorté au mois de décembre qui abordait la question du cumul des mandats. "Ce projet de loi n'a pas été voté, et pour cause, cela aurait mis certaines personnes mal à l'aise" (à ce sujet, consultez l'article du Monde du 2 décembre 2011 Conflits d'intérêts : un projet de loi aux oubliettes).
Quoiqu'il en soit, les propositions de Jean-Pierre Giran ne verront probablement pas le jour avant l'élection présidentielle. Le candidat PS François Hollande s'il s'est engagé à voter une loi sur le non-cumul des mandats, évoque uniquement le cumul des parlementaires.
La proposition de Jean-Pierre Giran est plus audacieuse. Il souhaite qu'un ministre abandonne son poste local au profit de son suppléant s'il est conseiller général ou du suivant de liste s'il est conseiller municipal ou régional. Il retrouverait son poste d'élu local dès à la fin de ses fonctions ministérielles. Le député du Var propose également d'interdire tout cumul aux présidents de communautés de commune de plus de 30 000 habitants.
Une loi timorée sur le non-cumul des mandats existe déjà. Votée sous le gouvernement de gauche de Lionel Jospin le 5 avril 2000, cette loi interdit qu'un parlementaire soit également ministre, député européen, conseiller régional, conseiller général, conseiller municipal d'une commune de plus de 3 500 habitants. Malgré cela, 80% des parlementaires sont des cumulards.
Simon Castel
Photo d'appel : © Madéos