La fondation Abbé Pierre a présenté, ce mardi, son vingt-troisième rapport annuel sur l’état du mal-logement en France. Quatre millions de personnes sont mal logées, et près de sept millions sont touchées par le surpeuplement en 2013, un phénomène qui connaît une recrudescence ces dernières années.
Comme chaque année, la fondation Abbé Pierre présente les chiffres du mal-logement. Alors même que le marché immobilier affiche une santé extraordinaire, jamais le mal-logement n’a atteint un niveau aussi alarmant en France. Quinze millions de personnes sont concernées par ce que la fondation nomme « la crise du logement ». S’il est impossible de dégager de ce rapport les chiffres concernant strictement l’Alsace, tout montre que l'agglomération strasbourgeoise ne fait pas exception à la règle nationale.
À la Meinau, au quatrième étage d’une tour HLM, ils sont six dans un F2. Première conséquence, l’éparpillement de la famille. L’aîné de 17 ans a dû aller vivre chez sa grand-mère : « Mes trois filles dorment dans la chambre, explique la mère de famille, mon mari et moi dormons dans le salon. » C’est ce que le rapport appelle « surpeuplement accentué », la norme étant une pièce à vivre, une pièce par couple, une pièce par deux enfants de moins de sept ans et une pièce par adulte. Au-delà, c’est donc le surpeuplement accentué, qui concerne plus de neuf cent mille personnes en France.
Cliquez pour lire le rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement.
« La promiscuité est le terrain le plus propice aux maladies contagieuses »
Pour Emilie Sour, chef de service à l’association Gala, le mal-logement est au centre de tous les problèmes que peut rencontrer une personne mal logée : « Que ce soit pour des raisons de surpeuplement ou d’insalubrité, vivre dans un logement inadapté a une incidence sur tout le reste de la vie », affirme-t-elle. Pour sa part, le docteur Maude Royant, ancienne responsable de la Pass (Permanence d’Accès au Soin de Santé du CHU de Strasbourg), dresse un constat très inquiétant des risques liés au surpeuplement d’un logement : « La promiscuité est le terrain le plus propice aux maladies contagieuses », rappelle-t-elle. « S’y développent notamment les poux, la gale, la teigne, les staphylocoques dorés, ainsi que toutes les infections liées à l’air. La tuberculose en fait partie. » Le docteur Royant est la mieux placée pour observer les ravages du surpeuplement : « J’ai connu des familles qui vivaient à six dans un 26 m² », témoigne-t-elle.
Cette promiscuité fait le lit de toutes les maladies contagieuses : « Avant-hier, rapporte-t-elle encore, j’ai eu un patient atteint de staphylocoque et qui l’a transmis à son colocataire car ils dormaient dans le même lit. » Mais pire encore, le surpeuplement des logements comporte des risques dont le grand public n’est pas toujours conscient, c’est celui de la trop grande promiscuité des effets personnels. En effet, ceux-ci peuvent être vecteurs de pathologies virales quand il y a contact de sang à sang. C’est le cas lorsque des rasoirs, par exemple, traînent les uns à côté des autres dans la salle de bain, ou le fait d'utiliser les mêmes ciseaux, coupe-ongles ou que, par inadvertance, on se brosse les dents avec la même brosse à dents : « Cela favorise, affirme Maude Royant, la transmission des pathologies de type hépatite B, hépatite C et même le VIH ! »
La fondation Abbé Pierre appelle le gouvernement à une politique globale du logement, plus vertueuse et plus volontariste, avec des solutions de logement plus pérenne pour les personnes démunies, quel que soit leur statut administratif. Et de s'inquiéter des mesures d'ores et déjà prises qui n'augurent pas d'amélioration, comme la baisse des APL, « ponction massive sur le secteur HLM ». La fondation estime qu’il est encore temps pour le gouvernement de rectifier le tir afin de faire correspondre ses actes à ces discours.
Maxime Bazile