L'affaire Mehdi Meklat déclenche un raz-de-marée de réactions. Cet ex-journaliste du Bondy Blog et de France Inter, est rattrapé par les tweets haineux qu'il publiait sous une autre identité.
Les médias français ont largement diffusé l'affaire depuis samedi. Captures d'écran.
Pendant cinq ans, sous le pseudonyme Marcelin Deschamps qu'il a abandonné en 2015, Mehdi Meklat a proféré une multitude de messages homophobes, antisémites, injurieux à l'égard de nombreuses personnalités et faisant l'apologie du terrorisme.
Le 16 février dernier, il est l'invité de l'émission de France 5 La Grande Librairie où il fait la promotion de son second livre, Minute (éditions du Seuil), avec son partenaire Badroudine Saïd Abdallah, surnommé Badrou.
Devant son poste de télévision, une enseignante de 46 ans, qui a tenté à plusieurs reprises d'alerter sur les propos haineux de Meklat, lance plusieurs tweets qui seront ravageurs pour la future défense du chroniqueur. Les " homos ", " les juifs ", " les transsexuels ", " Charlie ", " les Français ", " les femmes ", tout y passe.
Mehdi Meklat publiait des tweets contre plusieurs "cibles". Des internautes les ont recensés. Captures d'écran Twitter.
Ces publications sont vite relayées et font l'effet d'une bombe sur le réseau social. Le dessinateur et réalisateur Joann Sfar s'empare de l'affaire. " Dès que Joann Sfar m'a retweetée, ça a pris une autre dimension ", raconte l'enseignante dans Le Monde.
Né en 1992 à Clichy (Hauts-de-Seine), il grandit à Saint-Ouen dans une famille modeste. En 2008, il commence sa collaboration avec son partenaire de lycée, Badroudine Saïd Abdallah. Leur duo des " Kids " nait dans le Bondy Blog, un média en ligne créé après les émeutes de 2005 pour donner la parole aux habitants des cités parisiennes. Leur style d'écriture leur permet d'être repérés par Pascale Clark, journaliste à France Inter, qui leur propose une chronique radio dans son émission " Comme on nous parle " en 2010, jusqu'en 2015.
Le 31 janvier dernier, il fait la une de l'hebdomadaire Les Inrockuptibles avec son acolyte et l'ancienne Ministre de la Justice, Christiane Taubira.
La Une des Inrockuptibles du 31 janvier 2017. Capture d'écran.
En une nuit, Mehdi Meklat supprime près de 50 000 tweets qu'il avait écrit. Le jeune chroniqueur présente ses excuses et se défend, samedi, sur les réseaux sociaux : "Jusqu'en 2015, sous le pseudo Marcelin Deschamps, j'incarnais un personnage honteux, raciste, antisémite, misogyne, homophobe, sur Twitter." Il continue en condamnant la " diarrhée verbale " de son double fictif : "Les propos de ce personnage fictif ne représentent évidemment pas ma pensée et en sont tout l'inverse."
2. À travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d'excès et de provocation. Mais aujourd'hui je tweete sous ma véritable identité.
— Mehdi (@mehdi_meklat) 18 février 2017
Tous ses collaborateurs proches ont très vite réagi à l'affaire. Le Bondy Blog s'est désolidarisé de ses propos tandis que sa maison d'édition les condamne. La journaliste Pascale Clark lui a apporté son soutien dans des tweets, samedi, où elle assure qu'à l'antenne il " ne fut que poésie, intelligence et humanité ". " Les comiques font ça à longueur d'antenne et tout le monde applaudit ", a-t-elle continué.
Les Inrocks, dont il faisait la Une début février avec Christiane Taubira, ont assuré ne pas avoir eu connaissance de ces messages. Le directeur de la rédaction lui demande "des excuses" dans un édito.
Quant à l'ancienne Garde des Sceaux, elle a estimé sur Facebook qu'il y avait "quelque chose à purger" chez l'ancien chroniqueur. "Il ne peut résider dans un même esprit la beauté et la profondeur d'une telle littérature et la hideur de telles pensées."
La Licra, l'association de lutte contre le racisme, a annoncé "avoir saisi la justice" pour ces messages "d'une radicalité inouïe", et estime, dans un communiqué, que "chacun jugera la crédibilité d'une telle défense au regard de la durée, de la violence et de la répétition des faits ".
Dans son édito de ce mercredi, Le Monde se sert de cette affaire qui fait office de "symptôme révélateur" pour ouvrir le débat sur la violence qui imprègne les réseaux sociaux, notamment envers les journalistes: "Ce niveau de violence, auquel sont aussi exposés les journalistes qui travaillent tant sur l’extrême-droite que sur l’islam radical, est beaucoup trop toléré, y compris par les entreprises qui gèrent les réseaux sociaux."
Fanny Guiné