Selon une étude Bouygues Télécom effectuée sur 2 206 individus disposant d’un smartphone, près d'un Français sur deux est incapable de déconnecter. Notre quotidien semble monopolisé par le petit écran, quitte à sacrifier sorties ou vie sexuelle.
« Le smartphone a bouleversé les pratiques des Français en devenant le centre névralgique de leurs activités », débute le compte-rendu du sondage effectué par l'Observatoire Bouygues Telecom des pratiques numériques des Français, sur 2206 personnes possédant un smartphone, début juillet 2017. Selon l'étude, s'ils devaient choisir entre leur portable et d'autres plaisirs de la vie durant une semaine, 79 % des français sacrifieraient l'alcool, 66 % le café et 41 % le sexe.
Capture d'écran de l'enquête de l’Observatoire Bouygues Telecom des pratiques numériques des Français
Le smartphone, objet érotique
Le portable passe avant le sexe pour 41 % des sondés. Un chiffre « aberrant » pour Eric, 52 ans, rencontré à Strasbourg : « Pas, moi ! Non merci. J'habite à la campagne, j'aime les choses de la nature ». Dans les rues de la capitale alsacienne, rares sont ceux qui sacrifierait leur vie sexuelle pour pianoter sur leur smartphone.
Mais ils ne vont pas jusqu'à dire que l'écran de poche n'a aucun impact sur leurs rapports sexuels… Notamment quand, via le smartphone, la vie professionnelle fait interruption dans la vie sentimentale : « Je pourrais interrompre un rapport sexuel pour répondre au téléphone, mais seulement en cas d'astreinte. Si jamais mon employeur devait m'appeler dans l'urgence pour une mission », raconte un passant.
Un geste qui peut être perçu comme « pas très agréable » selon Thibault, qui a déjà vécu l'expérience : « Une fois, ma copine a décroché son téléphone au début du rapport. Mais sa grand-mère était hospitalisée, elle était dans l'attente de nouvelles. Je ne lui en ai pas voulu ».
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26 % des français restent connectés pendant les repas
Elsa et Michael, collègues et amis, déjeunent au restaurant. Sur leur table : une bière et un téléphone. S'il devait choisir entre les deux, Michael n'hésiterait pas : « Ma conscience professionnelle me dirait que je peux me passer d'alcool, pas de mon téléphone. Je suis ''téléphone addict'' ! Je vais sur les réseaux sociaux, je suis l'actualité ... Ca m'occupe pendant ma demi-heure de tram le matin ». Il fait parti des 43 % des français qui n'éteignent jamais leur mobile, d'après l'étude.
Internet sur smartphone est « une bonne chose pour la société », selon plus des deux tiers des Français. Une bonne chose certes, « à utiliser avec modération », souligne Eric qui sort du restaurant avec son collègue Christian. Non-voyant, Christian ne lâche plus son portable qui l'aide au quotidien : il lui indique la route, les quais ou horaires en gare. Un soutien quotidien mais qui réclame aussi beaucoup d'attention. Et son ami de décrire : « Il a passé la quasi-totalité du repas au téléphone, pour répondre aux demandes de l'association dont il est responsable. Oh lui, ça ne le dérange pas ! Moi ça m'agace ».
De la nécessité à l'addiction : la « nomophobie »
Eric essaie de se limiter : « Le smartphone, il ne faut pas que ca devienne une drogue. De toute façon c'est simple, j'habite à la campagne, il n'y a pas de réseau ! » Et il n'est pas seul : 81% des Français tiendraient à rester prudents dans leurs usages, 45% aimeraient trouver des moments pour se déconnecter. Giuseppe, enseignant à l'Université craint de devenir accro : « Ils m'ont arnaqué à Noël ! Avant j'avais un vieux ''33 10'' (ancien modèle de téléphone, sans écran tactile ni Internet, ndlr). Maintenant c'est une drogue ! Je lutte contre, mais je perds ».
« C'est une compagnie, on l'utilise pour remplir un vide, estime le professeur. Pendant les cours, dès qu'il y a un temps de pause, mes élèves consultent leur téléphone … Ils n'en profitent pas pour se calmer et assimiler », déplore-t-il. Le phénomène porte un nom : la « nomophobie », la peur d'être séparé de son smartphone.
Sophie Allemand
Crédit photos : Sophie Allemand