Le ministre de l'Éducation nationale a laissé entrevoir le rétablissement de l’enseignement obligatoire des mathématiques pour les classes de première et de terminale. La mesure initiale, qui rend la matière facultative, a pénalisé certains étudiants de première année de licence, génération test du bac sauce Blanquer.
Le brouhaha de l’amphi 4 de la faculté d’éco-gestion de Strasbourg laisse entrevoir la fin des cours. Les larges couloirs font résonner le son des résultats du premier semestre : « J’ai eu 13 en maths » suivi de : « Ah, moi, 8 ! » Parmi le cortège des étudiants en première année de licence, Selim, 18 ans, est particulièrement fier, malgré son « 6 en maths. J’ai dû redoubler d’efforts, mais j’ai mon semestre ! »
L’étudiant attribue sa note plutôt médiocre à un manque d’information sur les différentes options d’enseignement au lycée et ses conséquences : « On a bénéficié d’aucun encadrement au lycée, les profs ne m’ont pas prévenu qu’il fallait choisir les maths pour suivre des études d’économie. » Cette matière n’est plus obligatoire depuis la réforme du lycée de 2018, qui a marqué le début des enseignements de spécialité en première et terminale, au profit des classes ES, S et L.
En terminale, les mathématiques se composent désormais de deux choix : l’enseignement de spécialité et l’option mathématiques complémentaires. L’enseignement de spécialité équivaut à celui de l’ancienne terminale scientifique, d’une durée de six heures par semaine. Jugé ardu, la spé maths a été choisie par seulement 38% des lycéens l’an passé. L’option mathématiques complémentaires de trois heures par semaine est, elle, suivie par deux tiers des élèves.
Pas de spé maths, « une grave erreur »
« Il fallait choisir la spé maths, j’ai fait une grave erreur », regrette aussi Shamoyan à la sortie de l’amphi. Avec la science de la vie et de la terre (SVT) et l’anglais en enseignement de spécialité l’an passé, les maths complémentaires ne lui ont « pas suffi » pour réussir ses examens du premier semestre. Lui aussi pointe un manque d’information au lycée : « On m’a dit que ça suffirait pour suivre les cours de cette année. » Mais pas à Strasbourg, où la faculté est connue pour sa préférence pour les mathématiques dans la formation des étudiants en économie.
Anthony Suplon, le responsable de la scolarité des premières années de licence, n'est pas étonné des difficultés de ses étudiants. « La pandémie fait que les méthodologies des étudiants sont moins au point », lâche-t-il. Adossé à son bureau, il rejette les effets du changement de programme et d’organisation opéré par le ministère de l’éducation nationale depuis la rentrée de septembre 2019.
Des fortes différences de niveau à la fac
Depuis quelques années, la faculté d’économie et de gestion a mis en place une « Licence + », comprendre : une licence « plus » des cours de soutien en mathématiques. Cette mesure vise à résorber le fossé entre anciens élèves de spé maths et de maths complémentaires. Mais deux heures de soutien par semaine « ne suffisent pas », remarque Sophie, ancienne élève de la spé maths et passionnée d'algèbres et de formules. « Il y a des opérations sur les fractions que les anciens de maths complémentaires ne comprennent pas », souligne-t-elle. C’est toute une logique de réflexion qui échappe ainsi aux anciens élèves de l’option. Et l’addition est salée sur leur bulletin de fin de semestre.
Si Sophie et ses deux copines reconnaissent une certaine aisance en maths, les récents chiffres de scolarité alertent sur une part majoritaire (58%) de garçons élèves des mathématiques en première et terminale. Ajoutée à la chute des élèves matheux (de 90 à 59% en terminale), la question des mathématiques a fait irruption dans le débat politique à l’approche de la présidentielle. Le 6 février, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a laissé entrevoir le retour des mathématiques dans le tronc commun des classes de première et de terminale. En attendant, Shamoyan et Selim auront la tête dans le guidon au second semestre.
Félicien Rondel
Édité par Juliette Lacroix