Elise Lucet est l'une des deux journalistes poursuivis en diffamation par l'Azerbaïdjan suite à l'émission "Cash Investigation" diffusée en septembre 2015. (Crédit photo: Cash Investigation)
L'Etat d'Azerbaïdjan s'estime diffamé par deux journalistes français, Élise Lucet et Laurent Richard, suite à l'émission Cash Investigation diffusée en septembre 2015. Leur procès s'est ouvert le mardi 5 septembre, à 13 h, au tribunal correctionnel de Nanterre.
L'affaire commence en septembre 2015, lors de la diffusion de l'émission Cash Investigation consacrée aux voyages d'affaires présidentiels. Le premier reportage porte sur le déplacement de François Hollande en Azerbaïdjan. Les journalistes décrivent alors l'autoritarisme en vigueur dans ce pays et les pratiques dictatoriales de son président, Ilham Aliyev.
Quelques semaines plus tard, l'équipe de l'émission apprend que ce dernier ne compte pas laisser passer cette mauvaise publicité. L'Etat d'Azerbaïdjan dépose plainte, en France, pour diffamation. Il intente ce procès principalement pour le terme de dictature, utilisé par Élise Lucet et Laurent Richard. La première décrit le pays comme "l'une des plus féroces dictatures du monde" tandis que le second, lors d'une interview sur France Info, fait usage des termes "dictature" et "despote" à l'égard du régime et de son dirigeant.
L'audience a débuté le mardi 5 septembre, en début d'après-midi, au tribunal correctionnel de Nanterre. Bakou réclame un euro symbolique en compensation du préjudice subi.
Selon Reporters Sans Frontières (RSF), qui témoignera en faveur des journalistes lors du procès, "c'est la première fois, à la connaissance de RSF, qu'un Etat étranger vient poursuivre un journaliste en diffamation devant les tribunaux français". L'ONG a placé l'Azerbaïdjan à la 162e place sur 180 dans son classement 2017 de la liberté de la presse. Son secrétaire général, Christophe Deloire, appelle à ne pas laisser l'Azerbaïdjan "exporter sa censure en France".
La principale intéressée, Élise Lucet, était l'invité de l'Instant M sur France Inter, le matin même de son procès. La journaliste persiste et signe : "L'Azerbaïdjan, un Etat qui est, je continue à le dire, une dictature."
Elle explique que l'un des enjeux principaux de ce procès est d'établir si oui ou non des états étrangers ont le droit de poursuivre, en France, des journalistes. Elle craint que cela n'ouvre la porte à d'innombrables poursuites de la part d'Etats supportant mal la critique.
En 2016, ce reportage a été récompensé par le prix SCAM de l'investigation lors du Festival International du Grand Reportage d'Actualité et du Documentaire de Société (FIGRA).
Pierre-Olivier Chaput