L’Union européenne est secouée par un nouveau scandale sanitaire. Trois tonnes de viande avariée, venues de Pologne, circulent dans treize pays membres, dont la France. Politiques et experts pointent du doigt un manque de transparence et de cohésion des réglementations sanitaires.
Les faits
Mercredi 30 janvier, le parquet d’Ostroleka, au nord-est de la Pologne, ouvre une enquête concernant l’abattoir de Kalinowo. Le journaliste polonais Patryk Chtépaniak, infiltré dans l’entreprise a diffusé en masse des vidéos montrant des vaches souffrant d’abcès ou d'escarres, se faire abattre. Cette viande, issue de bêtes malades, est impropre à la consommation.
Trois tonnes de viande avariée ont été ainsi vendue dans 13 pays de l’Union européenne, dont la France.
Alertée par les médias, puis par le réseau européen d’alerte RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed), la France a pu localiser les 795 kg de viande avariée importés. Mais si 500 kg ont déjà été éliminés, 150 kg ont déjà été commercialisée, en majorité dans des boucheries, et une partie a été vendue à des consommateurs. Neuf entreprises françaises sont concernées.
Une réglementation claire…
Selon Patryk Chtépaniak, les bêtes ont été abattues de nuit, pour éviter les inspections sanitaires et contrôles vétérinaires. Comme tous les pays membres de l’Union européenne, la France et la Pologne sont soumises aux mêmes règles sanitaires spécifiques concernant la production de viande destinée à la consommation.
Cette réglementation est précisée dans le règlement n°854/2004, dont l’article 5 prévoit un contrôle méticuleux des abattoirs et ateliers de découpe. Le vétérinaire doit vérifier les informations sur la chaîne alimentaire, et procéder à un contrôle sanitaire ante et post mortem sur les animaux. La viande doit ensuite être testée en laboratoire.
La viande doit également être traçable. Ainsi, maximum 20 jours après la naissance, l’éleveur doit poinçonner deux boucles plastiques agréés, permettant son identification. Il reçoit alors le passeport de l’animal, comprenant un code barre (une carte d’identité) et son carnet de santé. Il doit suivre l’animal jusqu’aux étals du boucher.
La traçabilité des bêtes, les abattoirs et le bon respect des règles sanitaires sont régulièrement contrôlés par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), par des «inspections surprises».
Mais le système reste défaillant
Même si la loi européenne est claire, son application varie puisque les inspecteurs sanitaires ne sont pas contrôlés par l’Union Européenne, mais par chaque Etat, suivant des critères différents.
C’est notamment pour cela que les autorités polonaises ont déclaré que la viande en question ne présentait «aucun risque pour la santé», alors que la DGAL (Direction générale de l’alimentation française), l’a classée comme «impropre à la consommation», faute de contrôle vétérinaire dans l’abattoir. La Pologne ne serait donc pas aussi précautionneuse que la France en matière de sécurité sanitaire.
Mais la France n’est pas parfaite pour autant. Comme le signale Olivier Andrault, chargé de mission Alimentaire pour l’UFC Que choisir, la traçabilité de la viande dépend aussi des industriels.
Les producteurs ont obligation d’indiquer sur les emballages ou étiquettes la provenance des produits, mais certains industriels se contentent souvent de la mention “UE”, notamment dans les plats préparés. Le consommateur va donc acheter de la viande, sereinement, alors qu’en réalité, son pays de provenance n’est pas toujours soumis aux mêmes exigences qu’en France.
Quelles solutions ?
La Pologne produit chaque année 560 000 tonnes de viande bovine, dont 85% sont exportées. La France en est le 5e importateur européen, en raison de son prix bon marché, très prisé des marques discount. Comment contrôler une telle quantité de viande sans scandale sanitaire ?
Pour certains politiques comme la ministre des Affaires étrangères, Nathalie Loiseau, et le vice-président de la Commission Agriculture et du développement rural, Éric Andrieu, l’UE doit se doter d’une «force européenne d'inspection sanitaire», ce que les Etats membres avaient jusque là refusé.
#ViandePolonaise #Lactalis, œufs aux #fipronil affaire #Spanghero: Face à ces scandales sanitaires, nous devons apporter des réponses continentales :
Un procureur UE à la sécurité alimentaire
Un FBI européen pour les contrôles sanitaires
De vraies sanctions dissuasives! pic.twitter.com/lAyEcL4nNQ— Eric Andrieu (@EricAndrieuEU) 1 février 2019
Créer une autorité d’inspection européenne efficace permettrait notamment d’améliorer les contrôles sanitaires, de garantir une meilleure traçabilité des produits, et de sanctionner efficacement les fraudes de ce genre. Cependant, l’affaire de la viande avariée n’est pas la première du genre: il y a six ans, de la viande de cheval était retrouvée dans des plats cuisinés, à la place de la viande de boeuf. Déjà à l’époque, le manque de cohésion et de traçabilité était largement critiqué. Reste à savoir si cette deuxième affaire permettra de renforcer les moyens sanitaires européens.
Marie Dédéban
Crédit photo : Ph. Grillot sur Flickr.