L'Alsace connaît un véritable boom de l'activité géothermique. La situation géologique favorise l'émergence de nouvelles usines de production, amenées à alimenter les réseaux de chaleur et d'électricité. En Allemagne, en revanche, la géothermie peine à se développer.
Crédit: domaine public.
Le salon de la géothermie d’Offenbourg (Allemagne) a rassemblé plus de 3500 acteurs de la filière jeudi 1er et vendredi 2 mars. L’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau a profité de cet événement pour organiser une conférence transfrontalière autour de la géothermie profonde en Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et en Suisse.
Elus et industriels ont vanté « un outil efficace de lutte contre le réchauffement climatique », à l’image de Robert Herrmann, président de l’Eurométropole de Strasbourg. Grâce à la faille géologique sur laquelle elle se trouve, l’Alsace du Nord bénéficie de conditions favorables. Avec une eau de 150 à 200°C, la production géothermique peut alimenter des réseaux de chaleur et fournir de l’électricité. Elle fonctionne 24h/24, contrairement à l’éolien ou au solaire. L’usine pompe l’eau chaude piégée profondément sous terre pour en retirer la chaleur qui produit de l’énergie, avant de la réinjecter sous terre.
Une énergie « taxée deux fois plus que le charbon » en Allemagne
L’Eurométropole de Strasbourg s’est fixée comme objectif de s’approvisionner à 20% en énergies renouvelables d’ici 2020. « Cet objectif sera dépassé », veut croire Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole. La collectivité compte sur trois projets en développement sur son territoire : Vendenheim-Reichstett, Eckbolsheim et Illkirch-Graffenstaden. Ce dernier devrait être mis en service en 2021 et couvrir les besoins de 88% des foyers de la commune. Un quatrième projet sur le site d’Hurtigheim témoigne de l’engouement de la région pour la géothermie profonde.
En revanche, l’activité peine à décoller dans le Bade-Wurtemberg, qui recèle pourtant des mêmes atouts géologiques que son voisin français. « Le système allemand est complètement aberrant : cette énergie est taxée deux fois plus que le charbon où le gaz de schiste », s’indigne André Deinhardt, directeur de l’association professionnelle Bundeverband Geothermie.
Des habitants réservés
Certains habitants s’avèrent également réticents. A Kehl, une association s’oppose à des prospections géothermiques. Des opposants présents à la conférence ont pointé le risque de secousses sismiques produites par l’activité géothermique, comme à Staufen-en-Brisgau. Il y a dix ans, la petite ville allemande a vu son sol gonfler et créer dans les habitations de larges fissures.
« À l’époque, on utilisait la fracturation hydraulique, explique Jean-Jacques Graff, président de l’association française des professionnels de la géothermie. En France, cette technique est interdite depuis 2011. Depuis plus de quinze ans, nous utilisons une autre technique à l’usine de Soultz-sous-Forêts, l’EGS (Enhanced Geothermal System). » Cela consiste à utiliser les failles déjà présentes pour le forage, alors que la fracturation hydraulique casse la roche compacte et imperméable. « Il n’y a jamais eu de secousse », assure-t-il. Néanmoins, en 2003, un tremblement de terre d’une magnitude de 2,9 s’est produit autour de l’installation. Reste à savoir s’il était lié à l’activité géothermique.
État des lieux des projets de géothermie de part et d’autre du Rhin.
Thomas Porcheron