Ces insectes qui prolifèrent touchent 11 % des ménages français. Elles peuvent causer des troubles psychiques chez les personnes infestées.
11 % des ménages français auraient été infestés par des punaises de lit selon un sondage Ipsos. Photo d'illustration: pixabay
« On a longtemps pensé que c’était des piqûres de moustiques ». Ça a été la vision d’effroi pour Julia* quand elle a confondu l’insecte « suceur de sang » avec une punaise de lit sur le mur de sa chambre. « On se réveillait avec des piqûres sur les jambes », avoue l’étudiante en master. Au bout de deux semaines d'installation dans un appartement proche de la cathédrale de Strasbourg avec son copain, le cauchemar a commencé. « On en a rapidement vu sous le matelas qui en était rempli, puis dans les oreillers. On en trouvait de plus en plus », explique-t-elle. Le couple prévient leur agence immobilière qui fait intervenir une société privée.
Jeudi 28 septembre, la Mairie de Paris a réclamé au gouvernement un plan contre les punaises de lit, ayant constaté une «recrudescence importante» de cette espèce parasite. « Les punaises de lit sont un problème de santé publique et doivent être déclarées comme telles. Il faut que l'État réunisse urgemment l'ensemble des acteurs concernés afin de déployer un plan d'action à la hauteur de ce fléau…», écrit Emmanuel Grégoire (PS) dans une lettre adressée à la première ministre Élisabeth Borne.
Un problème de santé publique et mentale
Si aujourd’hui, Julia pense être débarrassée des nuisibles, elle assure avoir vécu une expérience traumatisante : « Je voulais juste tout cramer ! », lance Julia. « On sait qu’on est envahie par quelque chose, mais on ne les voit pas. Je me suis même mise à boucher les trous des plaintes avec du silicone pour les empêcher de circuler ».
Entre 2017 et 2022, 11 % des ménages français auraient été infestés par des punaises de lit, selon un sondage Ipsos réalisé en juillet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un rapport publié en juillet 2023, l’Anses livre des données sur l'impact sanitaire mais aussi socio-économique de ces nuisibles.
Selon les chiffres, le coût sanitaire atteignait 83 millions d’euros pour les Français en 2019 (baisse de la qualité de vie, soins physiques, arrêts de travail…). Plus qu’un véritable problème de santé publique, la punaise de lit est un désastre pour la santé mentale, avec des troubles du sommeil, de l’anxiété, liés à la désinfection et un isolement social.
Déshabillés sur le palier
Éva*, 26 ans, s’est battue pendant deux ans contre ces nuisibles. « J’ai vécu cette situation toute seule », confie l’ancienne étudiante en sciences sociales, alors logée dans une résidence universitaire à l’époque. « Je devenais complètement parano. Je ne faisais que regarder sous mon matelas, je passais mon temps à me gratter, fouiller dans mes vêtements à la recherche de punaises… » Julia, elle, révèle un impact sur sa vie sociale. « Nos amis nous demandaient de nous déshabiller sur le palier avant qu’on entre chez eux », explique la jeune femme encore choquée des propos. « Il y avait clairement un dégoût à notre égard. »
« J’en ai pris plein la tête en étant catégorisé comme une personne sale qui ne lave pas son appartement », avoue Léo*, résidant en appartement dans la banlieue de Strasbourg. « Deux de mes amies m’en ont énormément voulu lorsqu'elles se sont levées avec des piqûres sur leur corps », explique-t-il. Pour beaucoup encore, les punaises de lit sont synonyme de saleté. Selon le rapport de l’Anses, les infestations ne sont pas liées à un manque d’hygiène des foyers touchés. De même, tous les milieux socio-économiques peuvent être touchés.
Mettre le prix pour s’en débarrasser durablement
La précarité peut tout de même être un facteur qui ralentit l’élimination de ces nuisibles. Se débarrasser de ces insectes a un coût important, qui se situe en moyenne autour de 866 euros par foyer. Dans son rapport, l’Anses recommande une prise en charge financière pour les ménages à faibles revenus et souligne également que la peur d’une stigmatisation persiste et empêche certaines personnes de se faire aider. Pour éviter ce phénomène, elle propose de mettre en place un « mécanisme de déclaration obligatoire ».
Éva, par manque de moyens financiers, s’est beaucoup renseignée sur internet pour les éradiquer durablement. « La société contactée par ma résidence s’est déplacée seulement deux fois puis plus rien », déclare-t-elle. Sur internet, elle multiplie les techniques pour éradiquer les insectes : laver son linge à plus de 60 degrés, passer l’aspirateur, placer ses draps dans le congélateur… « Tout ce que je pouvais mettre à l’intérieur, je le mettais pour les faire disparaître », appuie la jeune femme qui souffre aujourd’hui de stress post-traumatique.
*le nom des personnes a été modifié
Azilis Briend
Édité par Adélie Aubaret