L’Insee a annoncé un taux de chômage historiquement bas ce mardi 14 février. Une diminution relativisée par Éric Heyer, économiste spécialiste du marché du travail.
L'annonce de l'Insee fait des émules mais est à relativiser selon Éric Heyer. ©PHOTO LIBRE DE DROIT
Le taux de chômage a atteint son niveau le plus bas depuis le premier trimestre 2008, selon les chiffres publiés par l’Insee ce mardi. L’institut statistique annonce un taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) à 7,2 % ce mardi. Ce sont 45 000 chômeurs en moins par rapport au troisième trimestre 2022.
Cette diminution, inédite depuis 15 ans, doit cependant être nuancée selon l’économiste Éric Heyer, spécialiste du marché du travail et directeur du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques.
Le taux de 7,2% ne représente pas une baisse significative, et il a atteint ce niveau pour de mauvaises raisons puisque le taux d’emploi est resté stable et que le halo du chômage a augmenté.
Le halo autour du chômage est passé de 1,838 000 à 1,876 000 personnes. Ce sont des gens qui ne remplissent pas simultanément les trois critères nécessaires pour être comptabilisés dans le taux de chômage au sens du BIT. Ces personnes ne sont donc pas considérées comme chômeuses.
Pour être chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois critères : ne pas avoir travaillé sur la période de référence, être disponible immédiatement, et rechercher activement un emploi. Si vous ne remplissez pas l’un de ces trois critères, vous n’êtes pas considéré comme chômeur. Mais ça ne veut pas dire pour autant que vous avez retrouvé un emploi. Vous vous êtes peut-être découragé, ou vous suivez une formation, donc n’êtes plus en recherche active, ou vous n’êtes plus disponible immédiatement.
Les 45 000 chômeurs en moins n’ont pas forcément trouvé un emploi. Il est probable qu’ils fassent partie des 38 000 personnes qui ont rejoint le halo du chômage.
Rien n’est moins sûr. Les entreprises ont maintenu et créé beaucoup d'emplois en 2022, ce qui est assez surprenant compte tenu du faible taux de croissance. Cela peut s’expliquer par les difficultés de recrutement, qui encouragent la rétention de la main d'œuvre. La contrepartie, c’est que l’on fait face à une perte de productivité qui va se répercuter sur les salaires ou les marges des entreprises. Je pense qu’on a mangé notre pain blanc, les entreprises vont probablement moins embaucher en 2023.
Camille Aguilé
Édité par Camille Gagne-Chabrol et Nils Hollenstein