Le chanteur folklorique allemand Heino connaît un succès inespéré avec son nouvel album. Sa recette: reprendre des chansons des groupes les plus branchés en Allemagne.
Depuis la sortie du nouvel album de Heino début février, les ventes explosent. Après trois semaines, l'album intitulé «Mit freundlichen Grüßen» («Meilleures salutations») est toujours en tête des albums les plus vendus. Même carton sur le web: jamais un musicien allemand n'a été téléchargé aussi souvent dans les trois premiers jours de la sortie de son disque.
En Allemagne, Heino est considéré comme une icône - mais une icône contestée. D'après les sondages, 98% des allemands le connaissent, mais la moitié déclare ne pas l'aimer. Le chanteur, né en 1938, appartient à un courant de musique méconnu en France: la Volksmusik. Une musique folklorique qui parle beaucoup d'amour, mais aussi d'une Allemagne sublimée par la beauté de ses forêts, par le courage de ses marins-pêcheurs et par ses montagnes pittoresques. La musique de Heino a toujours eu la cote dans les émissions télévisées où des retraités se tiennent par la main et bougent aux doux rythmes de la Volksmusik:
Pour son nouvel album, Heino a repris des chansons des groupes allemands les plus branchés. Il a ainsi revisité le reggae (Peter Fox), le rap (Absolute Beginner) ou encore le punk (Die Ärzte) en version folklorique. Sa voix grave et sa manière caractéristique de rouler les «r» ont même des ressemblances étonnantes avec la voix du chanteur de Rammstein. Le groupe métal a eu droit à une nouvelle version de leur chanson «Sonne».
Les critiques étaient plutôt favorables à l'album. Une raison pour Campino, chanteur du groupe de punk légendaire «Die Toten Hosen», de s'offusquer dans l'hebdomadaire Der Spiegel. Même si son groupe a été épargné par Heino, il s'étonne de l'engouement médiatique autour du chanteur folklorique en rappellant que Heino symbolisait, pendant des décennies, «la laideur allemande». Le quotidien anglais The Guardian a dénoncé, dans un article paru le 24 février, les ambiguïtés du chanteur. Ainsi, dans les années 70, Heino interprétait regulièrement les trois couplets de l'hymne national allemand, alors que le premier couplet, instrumentalisé par les nazis, n'est plus du tout chanté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Heino a toujours nié toute proximité avec les néo-nazis. Dans une interview avec le grand quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung publié le 11 février, il affirme que ces critiques ne le touchent pas du tout: «J'ai travaillé dur pour avoir des gens jaloux de moi.» Avec 50 millions de disques vendus, Heino a déja prouvé qu'il touchait le public allemand. Son dernier album a déjà été vendu à plus de 100 000 exemplaires. Et cette fois, il semble aussi avoir conquis les jeunes.
Robert Gloy