Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises de plus de 250 salariés doivent désigner des référents contre le harcèlement sexuel. Mais la mise en application de la mesure reste laborieuse.
La législation avance, les entreprises moins. Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises de plus de 250 salariés doivent nommer un référent contre le harcèlement sexuel. Dans le cadre de la loi pour la « liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018, il est « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ». Le Comité social et économique (CSE) devra, pour compléter ses rangs, désigner lui aussi un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
Mais face à longue liste des réformes demandées aux entreprises, les DRH s’avouent débordés. « Prélèvement à la source, protection des données, pénibilité… », confie Élodie Caron, vice-présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) à Strasbourg. De fait, ce référent passe au second plan, le sujet n’étant pas une priorité.
Le référent nommé au CSE est un salarié, élu ou non. Il a le même pouvoir qu’un délégué du personnel. Concernant le référent désigné par l’entreprise, la loi ne donne pas d’indication. Mais ce serait, au vu des compétences requises, être un responsable en ressources humaines.
En effet, ce dernier doit pouvoir informer et faire de la prévention, mais aussi être un interlocuteur privilégié auprès de l’employeur en cas de litige pour accélérer les procédures. Mais les services des ressources humaines restent souvent éloignés des préoccupations des salariés.
« Dans les services RH tout le monde n’a pas un rôle disciplinaire. Les personnes chargées des relations sociales ont davantage un rôle d’écoute, par exemple. Il y aura forcément des ratés dans les désignations, mais il ne faut pas généraliser », conteste Élodie Caron. Le responsable diversité par exemple, ajoute-elle, au fait des sujets sociaux, pourrait revêtir la casquette supplémentaire de référent contre le harcèlement sexuel dans l’entreprise.
« Peu de contrôle »
« S’il n’y a pas de retombées économiques pour les entreprises, ce genre de mesure n’est pas une urgence », déplore Cécile Jacques, responsable égalité femme-homme au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du Bas-Rhin.
« De nombreuses mesures sont prises parce que le sujet politiquement est à la mode, mais la véritable difficulté, c’est la mise en œuvre. Avec très peu de contrôle de la part de l’inspection du travail qui va plutôt vérifier la mise en œuvre de réformes plus anciennes, l’application de la mesure reste aléatoire », assène Léa Toladeno, présidente de l’association CIDFF, pour qui, néanmoins, cette avancée « va dans le bon sens ». Mais la loi étant récente, elle reste difficile à quantifier et les données ne sont pas disponibles.
Derrière, beaucoup d’interrogations et peu de réponses pour les employeurs. Comment mettre en place ce type de référent ? Avec quels moyens humains et financiers ? Comment les former ? Selon l’ANDRH, 82% des employeurs en France n’ont pas mis en place d’action de prévention contre le harcèlement sexuel (cellules d’écoutes, accord d'entreprise, procédure d'alerte, actions de formation...).
Camille Wong