La proposition de loi pour l'encadrement des stages, examinée mercredi 19 février à l'Assemblée nationale, vise à sanctionner des abus, difficiles à quantifier. Elle instaure des mesures protectrices des stagiaires qui pourraient décourager les employeurs.
"On est envahi de demandes de stage, j'en refuse 80 %." Frédéric Pintiau, gérant de l'agence de communication Anna à Mulhouse n'est pas le seul à tenir ce discours. Et les étudiants l'expérimentent régulièrement chaque année quand ils partent à la recherche d'un stage. Une étape utile dans leur cursus, car selon l'enquête annuelle de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) 20 % des diplômés obtiennent un emploi après une première expérience en entreprise.
La proposition de loi pour l'encadrement des stages examinée mercredi 19 février à l'Assemblée nationale est la 5e sur le sujet depuis 2006. Malgré une réglementation assez dense, les dérives sont, semble-il encore fréquentes, mais difficile à quantifier. "Les abus existent probablement, admet Virginie Muhr, présidente de l'Association national des directeurs des ressources humaines (ANDRH) en Alsace, mais j'interviens auprès de nombreuses PME et je ne constate pas ce phénomène." Pour contrer les abus existants, la proposition de la député socialiste de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse Khirouni, vise à instaurer des quotas de stagiaires pour des entreprises d'au moins 50 salariés.
Diverses mesures protectrices des jeunes sont également prévues comme donner 2,5 jours de congés par mois ou encadrer des horaires pour qu'ils ne dépassent pas quarante-huit heures hebdomadaires. "Je ne comprends pas l'intérêt de la loi", avoue M. Pintiau. "Ça va décourager des employeurs, et finalement les stagiaires sont lésés." "Il faut que les deux – le stagiaire et l'employeur - trouvent un avantage dans le stage, ce qui ne sera pas le cas s'il est trop cadré" ajoute Virginie Muhr. Les mesures proposées dans la loi sont pour la DRH le signe d'une évolution des mentalités. "Les jeunes stagiaires n'ont plus forcément envie de travailler 50 heures par semaine, ce qui est compréhensible."
Côté étudiant - les principaux concernés puisqu'ils sont 840 000 sur 1,2 million de stagiaires en France - l'UNEF, syndicat de gauche, est plutôt satisfait de la proposition de loi, et fait partie de ceux qui revendiquent des congés pour les stagiaires. A droite de l'échiquier politique, Sébastien Prod'homme, le président de l'UNI Strasbourg est plus sceptique sur l'intérêt de la législation. "Les abus de stage, c'est marginal, assure-t-il. Dans ma filière, en LEA (langues étrangères appliquées), les entreprises dans lesquelles les stages se sont mal passés sont black listées et le corps enseignant nous met en garde sur les stages qui ne correspondent pas à notre cursus." Pour lui, les congés n'ont pas lieu d'être pendant un temps "où on a besoin d'acquérir de l'expérience."
Claire Le Moine