Les dispositions du projet de loi Macron sur le travail le dimanche seront soumises, demain, au vote de l'Assemblée nationale, via l'article 49-3. Mais elles n'auront pas d'impact en Alsace-Moselle, où le travail dominical est interdit par le droit local.
Les supermarchés en Alsace-Moselle resteront fermés le dimanche, en dépit de la nouvelle loi Macron. (Photo: AFP)
Le projet de loi Macron "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" prévoit notamment l'ouverture des commerces douze dimanches par an, contre cinq actuellement. Une mesure phare qui a cristallisé une partie des oppositions au projet, y compris au sein même de la majorité socialiste.
Même si elle est adoptée, la loi Macron ne s'appliquera pas à l'Alsace-Moselle, où le droit local interdit le travail dominical. Les rédacteurs du projet de loi ont choisi de ne pas modifier les articles 3134-1 et suivants du code du travail, qui encadrent les activités, le dimanche, dans le droit local. Adoptées par la loi d'empire du 26 juillet 1900, au moment de l'annexion allemande, ces dispositions légales sont restées en vigueur et ont été inscrites en 2008 dans le code du travail.
En 2011, le Conseil constitutionnel avait été saisi par une entreprise de distribution qui estimait que ce droit local contrevenait aux principes d'égalité et du droit d'entreprendre. Mais les juges ont validé l'interdiction du travail dominical et ont même renforcé la protection du droit local, l'intégrant aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
De nombreuses dérogations
Des dérogations permettent aux commerces d'ouvrir. "Jusqu’à quatre dimanche(s) avant Noël, sur décision du maire", précise Dominique Dagorne, juriste à l'Institut du droit local alsacien-mosellan. "Si des circonstances locales le justifient, comme une fête traditionnelle, le maire peut également décider d'une ouverture exceptionnelle des commerces, ajoute Dominique Dagorne. Quand on fait des sondages et qu'on pose la question aux gens, ils se disent très attachés à ce droit local, même les commerçants."
Un avis que ne partage pas Nicolas Fady, avocat au barreau de Strasbourg. "Le droit local contient des mesures qui sont obsolètes, obscures", estime l'avocat qui a, à plusieurs reprises, défendu des commerçants du secteur alimentaire poursuivis par l'inspection du travail en raison de leur activité dominicale. C'est cette question du commerce alimentaire qui a le plus nourri le débat juridique. "La loi autorise l'ouverture pendant cinq heures le dimanche, sauf dispositions locales contraires, prises par le maire ou le préfet. A Strasbourg, cette ouverture était régie par une vieille réglementation de 1936, qui autorisait certaines professions à ouvrir, d'autres non". Un arrêté pris en 2013 par la mairie de Strasbourg a abrogé celui de 1936 et autorisé l’ouverture des commerces alimentaires pendant trois heures le dimanche.
Une infraction mais pas d’amende
Les espoirs de maître Fady résident notamment dans un vide juridique: "Aucune amende n'est prévue dans le texte, comme l'a reconnu la Cour de cassation en 2012. Il y a donc une infraction, mais pas d'amende." L'avocat compte bien faire évoluer la situation: "On peut faire bouger les choses par le droit, la procédure. J'incite mes clients a ouvrir le dimanche et j'attends les réactions de l'inspection du travail."
Raphaël Boukandoura