Trois mères de famille ont été convoquées au tribunal de police de Besançon, mardi 11 septembre, pour répondre de l'absentéisme répété de leurs enfants. Ce procès, rapporté dans un article de France Bleu Besançon, a débouché sur trois condamnations à des amendes de respectivement 150, 250 et 300 euros.
Au cœur de l'affaire, trois adolescents âgés de 13 à 14 ans. L'un d'eux aurait cumulé jusqu'à 83 journées d'absence lors l'année scolaire 2017-2018. Un chiffre qui pourrait être revu à la hausse puisque ce dernier ne s'est rendu que deux fois au collège depuis cette rentrée. Ce mardi, une seule mère était présente au tribunal. Elle a expliqué que les absences injustifiées de son fils de 14 ans étaient dues aux moqueries des autres élèves, à cause de son surpoids. D'origine kosovare, elle aurait eu des difficultés à inciter son fils à se rendre dans son établissement, malgré l'aide d'un médiateur et d'une assistante sociale.
Une condamnation qui en rappelle d'autres
Ce genre de condamnation n'est pas inédite en France. À Escaudin (Nord), une mère de famille a été condamnée en février 2015 à quatre mois de prison avec sursis. Son fils avait été absent 79 demi-journées lors du premier trimestre de sa seconde année de 6ème. En mai 2017 à Montpellier (Hérault), une mère a écopé de trois mois de prison avec sursis pour les 56 jours d'absence de son fils. Enfin, en octobre de la même année, c'était au tour d'une mère de Condé-sur-l'Escaut (Nord) de se voir condamner cette fois-ci à six mois de prison parce que ses jumeaux avaient été absents toute l'année scolaire 2015-2016.
Selon une étude de l'éducation nationale, au cours de l'année 2016-2017, le taux de collégiens absents plus de 4 demi-journées s'élevait à 2,7% de l'effectif, en très légère augmentation sur les cinq dernières années. Seuls 0,3% de ces élèves se voyaient signalés au rectorat, alors susceptibles de faire l'objet d'une condamnation au tribunal. Des condamnations qui interviennent dans le cadre de l'article 227-17 du code pénal. Il prévoit, en cas de négligence délibérée des parents compromettant « la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation » une peine pouvant aller jusqu'à 30 000 euros d'amende et deux ans de prison.
La répression plutôt que la prévention
Lorsqu'on regarde d'un peu plus près ces condamnations, elles concernent souvent des foyers en difficulté sociale et en situation d'exclusion. « On renforce la stigmatisation des ces familles qui se retrouvent pointées du doigt, explique Laurence Mathioly, secrétaire départementale du syndicat Sud santé-social, à Cuej.info, il est totalement aberrant de penser résoudre ce genre de problème par une amende. Ça va dans le même sens que les décisions d'arrêt des prestations familiales en cas de problèmes scolaires ». Ces parents d'élèves qui ont déjà du mal à encourager leurs enfants à se rendre dans leur établissement ont par ailleurs rarement les moyens de payer une amende de plusieurs centaines d'euros. « Ce genre de condamnation s'inscrit dans le discours ambiant des profiteurs, des menteurs, alors que la solution serait de donner plus de moyens aux services sociaux de proximité dans les quartiers dits sensibles. »
La Fédération des Conseils de Parents d'Élèves (FCPE), contactée par nos soins, rappelle qu'une circulaire est régulièrement distribuée dans certains établissements pour rappeler les démarches à suivre dans le cas d'un élève dont les absences sont régulières et injustifiées. Elle établit une liste de mesures amenant, à terme, à la saisie du procureur de la république.
Il y est clairement stipulé que chaque élève se voit attribuer un dossier contenant les informations sur ses absences, leurs durées et leurs motifs. Des absences qui doivent être signalées, de préférence par téléphone, aux responsables légaux. À partir de quatre demi-journées sans justification, une commission éducative est réunie pour proposer des mesures adaptées, et l'inspecteur d'académie en est informé. Si le problème persiste, la communauté éducative rencontre les responsables de l'enfant et un référent est désigné pour assurer le suivi des mesures adoptées. En dernier recours, une lettre est envoyée aux responsables par l'inspecteur d'académie et une enquête sociale peut être instruite, après quoi, le procureur est saisi.
« Aucun parent ne veut le mal de ses enfants »
Pour Nathalie Faivre, co-secrétaire académique au Syndicat National des Enseignements de Second degré (SNES), ce genre de protocole a ses limites. « Cela permet bien sûr de poser un cadre, mais pas d'adapter la procédure à chaque situation au cas par cas. » Et force est de constater que ce protocole, dans le cas présent, n'a pas porté ses fruits, même si aux yeux de l'administration, tout a été fait. « De toute manière, adopter une attitude punitive est contreproductif et renforce le sentiment de défiance envers les institutions, qu'elles soient éducatives ou judiciaires. Aucun parent ne veut le mal de ses enfants. »
Boris Granger