Les vendanges ont commencé très tôt en 2017. Une conséquence du réchauffement climatique, qui bouleverse l'identité des vins français et l'activité de ceux qui le produisent. Céline Metz, vigneronne à Blienschwiller, a intégré cette nouvelle donnée dans son modèle économique. Et ça marche plutôt bien.
"Désolé pour la tenue, c'est les vendanges". Céline Metz, fille du propriétaire du domaine Hubert Metz, sort des vignes, où elle récolte pinot noir, blanc, gris, gewurztraminer et riesling depuis lundi. C'est deux semaines plus tôt qu'en 2016. Mais elle n'est pas inquiète : "Le millésime 2017 sera très beau, assure-t-elle avec un large sourire. On a réussi à développer une belle acidité. La récolte est petite, mais de grande qualité." Relativement épargnée du gel du mois d'avril, ses pertes ont été limitées. Ce n'est pas le cas partout. En 2017, l'Alsace a enregistré environ 30 % de pertes sur l'ensemble des domaines. Le gel en soi ne pose pas de problème. Mais les fins d'hiver, très douces, entraînent une pousse précoce des bourgeons et les rendent vulnérables au froid. "Mais ici, les bourgeons ont poussé bien plus tard. Tant mieux, finalement."
Le réchauffement climatique, positif pour les vins d'Alsace
À 37 ans, Céline Metz fait partie de cette nouvelle génération de vignerons ayant intégré le réchauffement climatique dans son mode de production. Elle pratique une viticulture raisonnée, proche du bio, tout en se permettant de traiter si nécessaire, de manière conventionnelle. Elle a vu de ses propres yeux l'ampleur du bouleversement : "Quand j'étais petite, nous ne vendangeions pas avant le 1er octobre", se souvient-elle. Pourtant, elle n'est pas inquiète. Et pour cause : d'une manière générale, le réchauffement climatique serait "plutôt positif pour les vins d'Alsace, selon Guillaume Arnold, conseiller viticole à la chambre d'agriculture. Il y a vingt ans, les raisins n'arrivaient pas tout à fait à maturation. Aujourd'hui, comme il fait plus chaud, on n'a plus ce problème, et on gagne en qualité."
Une analyse que partage Céline. Elle se penche sur une grappe de gros raisins noirs, en prend quelques grains et analyse leur taux d'alcool. "On a une belle intensité sur le pinot noir". L'échelle indique un potentiel de 12,4 %. "On perturbe le consommateur, qui est habitué à voir en Alsace la terre du Riesling. On a une carte à jouer en vins rouges face à la flambée des prix en Bourgogne." Sur le coteau opposé, ses Gewurtztraminer sont rares. Il faut soulever les feuilles pour les apercevoir. Les fortes chaleurs entraînent une chute de la production. Mais en retour, leur valeur flambe. "Celui qui vend du Gewurtztraminer cette année, c'est le roi du pétrole", s'exclame-t-elle.
Céline Metz. (Photo Thomas Porcheron)
"La distribution d'eau est de plus en plus aléatoire"
Plus loin, les baies de Riesling se fondent dans le vert du décor. Elles sont petites. Le Riesling résiste moins à la chaleur que d'autres cépages. "L'année dernière en septembre, il a fait si chaud que la maturation s'est bloquée". D'où l'importance du choix du sol, déterminant dans la quantité d'eau à disposition de la vigne. Si le sol filtre trop, il n'y aura pas assez d'eau. "Comme la distribution d'eau est de plus en plus aléatoire, on est très vigilants sur ces aspects." La quantité d'herbe joue aussi un rôle important. "C'est un équilibre à trouver : s'il y en a trop, en période de sécheresse elle prend l'eau et n'en laisse pas à la vigne. Mais sans herbe, il n'y a plus de vie."
Les saveurs, elles aussi, sont touchées par le réchauffement climatique. Dans sa cave, au milieu des fûts massifs, Céline prend deux bouteilles de Riesling. Une de 2012, une de 2015. "La première, c'est du classique : sec, frais, il est à 12 %. La seconde est issue d'une année chaude. Le vin est beaucoup plus fruité, plus sucré, et le taux d'alcool monte à 14 %. C'est complètement différent". Une manière d'attirer des consommateurs peu friands de vin sec vers les vins d'Alsace.
Céline prévoit d'avoir terminé d'ici fin septembre. "Avec l'avancée des vendanges, on peut se consacrer à la vinification pendant tout le mois d'octobre". Pendant ce temps-là, les cuves se remplissent. "Ca va vraiment être une belle année".
Thomas Porcheron