Un droit ouvert tous les cinq ans, pour les démissionnaires et les indépendants, telle est l'ambition du gouvernement concernant l'assurance chômage.
Muriel Pénicaud a annoncé les orientations du gouvernement sur l'assurance chômage. Bénédicte Fouchet
Dans un entretien accordé au Parisien le 1er mars, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a révélé les arbitrages du gouvernement concernant l'accord trouvé par les partenaires sociaux sur la réforme de l'assurance chômage, le 22 février dernier. Contrairement à celle du code du travail, elle sera menée par l'exécutif sans recours aux ordonnances.
Dans son interview, la ministre a repris les grandes lignes de cette réforme. Dans l'ensemble, l'exécutif a décidé de suivre les partenaire sociaux mais a annoncé que le gouvernement ira « plus loin » que les syndicats et le patronat sur la question de l'indemnisation chômage des démissionnaires. Il ne s'agit pas d'une concession particulière : les mesures phares de la réforme sont toutes issues du programme du candidat Macron.
C'est la mesure la plus emblématique de la réforme. Les démissionnaires seront indemnisés « dans les mêmes conditions que n'importe quel chômeur », même si la ministre avait envisagé dans un premier temps un droit minoré pour les premiers. Ce nouveau droit sera aussi ouvert aux démissionnaires souhaitant créer leur entreprise. Pour toucher l'assurance-chômage, ils devront présenter un projet à leur conseiller en évolution professionnelle. Ils recevront alors une indemnité pendant six mois, au terme desquels ils seront contrôlés sur leurs efforts et les moyens mis en œuvre pour en venir bout.
Les partenaires sociaux était tombés d'accord sur la possibilité pour les salariés de toucher l'assurance chômage en cas de démission tous les 7 ans : l'exécutif avance 5 ans. Mais il ne s'agit pas d'une concession extraordinaire du gouvernement : la mesure faisait partie des propositions de campagne inscrites dans le programme du candidat Macron.
« Pour la première fois, on va créer un droit pour ceux qui veulent mener un nouveau projet professionnel : créer son entreprise ou changer de métier. C'est un beau choix de société d'accompagner ceux qui ont un projet », s'est réjoui la ministre dans son entretien au Parisien.
Autre mesure phare, le contrôle du recours aux contrats courts. Muriel Pénicaud a annoncé que l'exécutif respecterait le compromis entre les syndicats et le patronat. Mais le gouvernement laisse jusqu'à fin décembre aux branches pour prendre des mesures afin de modérer le recours aux emplois courts. Si elles n'y parviennent pas, un système de bonus-malus leur sera imposé. Là encore, il s''agit d'une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, qui souhaitait « responsabiliser les employeurs » pour lutter contre la précarité de l'emploi.
Dernier éléments du programme d'Emmanuel Macron concerné par la réforme : l'ouverture du droit à l'assurance chômage pour les indépendants. Seront concernés ceux qui auront mis leur activité en liquidation judiciaire et dont le bénéfice annuel était d'au moins 10 000 euros.
Ils ne cotiseront pas plus, mais ne devraient bénéficier que d'une indemnité de 800 euros pendant six mois, « financée par la CSG ». « Cette mesure vise notamment les agriculteurs dont les défaillances d'exploitations ont continué d'augmenter en 2017, les artisans, les micro-entrepreneurs, le commerçants indépendants », a expliqué la ministre. Ce plancher de 10 000 euros exclut les indépendants économiquement, comme les conducteurs de VTC ou les livreurs de nourriture, mais leur situation sera bientôt évoquée, assure t-on au ministère du travail.
Selon les critères retenus par le gouvernement, la mesure devrait concerner "entre 20 000 et 30 000 personnes par an" et coûter "quelques dizaines de millions d'euros supplémentaires" par rapport aux 180 millions budgétés par les partenaires sociaux.
Mais cette réforme s'accompagne aussi d'un durcissement des contrôles des bénéficiaires de l'assurance-chômage, déjà mentionnée dans le programme du candidat Macron là-encore. Le gouvernement souhaite « tripler les équipes de contrôle de Pôle emploi », qui « vont passer de 200 à 600 agents d'ici à la fin de l'année ».
Le renforcement des contrôles devra "aller de pair avec un accompagnement plus rapide et personnalisé des demandeurs d'emploi", a annoncé la ministre. En revanche, la question des sanctions n'est pas tranchée. « Nous allons en discuter rapidement avec les partenaires sociaux », indique Muriel Pénicaud, qui juge le système actuel « incohérent ». La notion d'offre raisonnable d'emploi va notamment être définie "plus précisément" pour que les sanctions après deux refus soient « pleinement applicables ».
Anne MELLIER